Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Si les principaux indices américains ont cédé du terrain le mois dernier, les Bourses du Vieux Continent restent largement à la traîne par rapport à Wall Street. Les données chiffrées fournies par Philippe Béchade dans cette analyse sont sans équivoque…
Le mois de septembre a quelque peu tempéré le coup de chaleur boursier estival, réduisant presque de moitié les gains affichés par le Nasdaq à son zénith absolu le 3 septembre.
La dernière séance du trimestre calendaire s’est également révélée assez décevante puisque Wall Street a là aussi vu ses gains à la mi-séance être divisés par deux en cours d’après-midi (de 1,5% en moyenne vers 0,75% pour le S&P500 et le Nasdaq).
Reste que si le Nasdaq accuse un repli de 5% sur le mois écoulé, le CAC40 est loin d’avoir pris sa revanche – après un été bien décevant – et affiche pour sa part un repli de -3%. Même constat pour l’Euro Stoxx50, qui a concédé 2,4% en septembre.
Au bout du compte, les performances trimestrielles interstellaires des indices américains sont venues entériner une divergence de plus en plus marquée entre l’Europe et les Etats-Unis. Alors que le Nasdaq a glané 10% sur trois mois, le CAC40 a en effet lâché 2,5% dans l’intervalle.
Sur neuf mois, le différentiel de performance dépasse même les… 50% (+31% pour le Nasdaq100, – 19,5% pour le CAC40), du jamais vu depuis 33 ans.
La thèse d’une rotation sectorielle en faveur des valeurs plus défensives et beaucoup moins surévaluées de l’eurozone dès lors que la bulle des « technos » s’enclencherait à Wall Street ne s’est donc pas confirmée au mois de septembre, une fois de plus.
L’impressionnant coup d’accélérateur des GAFAM
C’était déjà l’un des consensus les mieux partagés fin 2019, alors que Wall Street avait littéralement ridiculisé les places européennes, en particulier grâce au soi-disant « non-QE » mis en place par la FED mi-septembre 2019. La thèse du rééquilibrage a ensuite refait surface fin juin, alors que le Nasdaq avait rebondi trois fois plus vite que le CAC40, un phénomène imputé à un emballement excessif sur les valeurs de la « stay at home economy » (ou économie virtualisée du « chacun reste chez soi »).
Et puis l’été est arrivé et le Nasdaq, dopé par les « GAFAM », en sus de la très bonne dynamique d’une dizaine de titans à plus de 150 Mds$ de capitalisation, a passé la surmultipliée tandis que les indices européens s’enlisaient dans leurs niveaux de la mi-juin.
Le scénario rêvé pour un gérant arbitrant les deux zones, avec des achats massifs de « calls » sur les leaders du Nasdaq qui ont pu être financés via les primes encaissées sur les ventes de « calls » et de « puts » sur les valeurs libellées en euro, lesquelles ne sont allées nulle part.
Tout a été fait pour que le CAC40 ne sorte pas de la fourchette comprise entre 4 750 et 5 200 points, pour que l’EuroStoxx50 reste ancré dans la zone des 3 135/3 400 points, et la manipulation des indices européens est d’autant plus aisée que les volumes quotidiens tournent sur le CAC40 autour de 3 Mds€ par jour sur Euronext, grosso modo 5 Mds€ quotidiens en ajoutant les autres plateformes, plus 1 Md€ sur les « dark pools ».
Une différence de 120%
6 Mds€ en comptant large, c’est à peu près ce qui s’échange sur le seul titre Apple (NASDAQ:AAPL) chaque matin à l’issue de la première heure de cotations à Wall Street… et parfois même en transactions électroniques « hors séance » (durant la nuit). Il s’est par ailleurs négocié 20 Mds$ en moyenne sur la marque à la pomme durant chaque séance du troisième trimestre, soit trois fois le chiffre d’affaires de la Bourse de Paris (SBF120 + small et midcaps).
En termes de performance boursière, Apple a repassé ce 30 septembre le cap (très) symbolique des 2 000 Mds$ de capitalisation en clôturant au-dessus de 115,75$, verrouillant une progression de 27% au troisième trimestre et un gain de 107% sur un an. Le CAC40 ayant quant à lui baissé de 14% depuis le 30 septembre 2019, le différentiel atteint 120%. Abyssal…
Apple est en fait devenu le principal levier que l’on actionne pour engranger des gains qui regonflent la liquidité des portefeuilles, mais aussi pour stopper les consolidations du Nasdaq100, du « Composite » puis, rapidement, de Wall Street dans son ensemble.
Le géant de Cupertino a certes reperdu 23% sur son zénith d’ouverture des 138$ du 1er septembre, mais le titre ne s’est pas replié au-delà du « gap » des 106,4$ du 30 juillet, tandis que le gap des 96,3$ du 27 juillet reste béant, ce qui pourrait constituer un gros « attracteur » en cas de rechute sous les 105$.
On notera enfin que le début de la correction sur Apple a précédé de 48 heures celle du Nasdaq (et du CAC40). Cela ne suffit certes pas à en faire un précurseur fiable à 100%, mais le fait est que la tendance à Wall Street diverge rarement plus de deux séances de celle du numéro un planétaire en termes de capitalisation.