Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Le CAC40 a engrangé 1,2% hier, le S&P500 1,1% et le Nasdaq 1,3%… et ces hausses sont, une fois n’est pas coutume, parfaitement logiques. Comme rarement depuis que les banques centrales ont réenclenché le syndrome des « mauvaises nouvelles qui sont de bonnes nouvelles » en juin dernier.
Toujours aussi « accros » aux stimulus monétaires, les marchés actions ne se réjouissaient depuis fin août que des déconvenues susceptibles d’accélérer la baisse des taux ou le rétablissement des « QE » (« quantitative easing ») par les banques centrales.
Toutefois, avant-hier, les investisseurs n’ont pas sanctionné une déferlante de nouvelles positives susceptibles de mettre en doute l’imminence d’une récession… et par extension de contrarier le discours de James Bullard, patron de la FED de Saint Louis. Ce dernier a en effet parlé de « choc global » et recommandait mardi soir de réduire agressivement le taux directeur de 50 points de base dès le 18 septembre prochain, estimant comme Donald Trump que le loyer de l’argent « est bien trop haut ».
Son collègue Eric Rosengren, à la tête de la FED de Boston, considère au contraire que la consommation (le principal moteur de l’économie américaine, loin devant les exportations et l’industrie) demeure très robuste et que si la situation globale ne se détériore pas davantage (du fait des tensions commerciales sino-américaines), la première économie mondiale devrait continuer de croître d’environ 2% et l’inflation tendre également vers l’objectif des 2%.
Une cascade de bonnes nouvelles
Les faits semblent lui avoir donné raison et James Bullard se montre visiblement trop pessimiste, sachant que :
– l’activité en Chine se redresse avec un ISM des services ressorti supérieur aux attentes à 52,1, contre 51,9 en août.
– les tensions avec Hong Kong paraissent s’apaiser, étant donné la décision des autorités de retirer le projet de loi d’extradition (qui aurait permis de juger des citoyens déclarés « suspects » à Hong-Kong par des tribunaux chinois).
– le PMI composite a nettement rebondi en Allemagne, passant de 50,9 à 51,7.
– le PMI composite a nettement rebondi en France à 52,9, soit une hausse d’un point en rythme séquentiel.
– Giuseppe Conte est parvenu à former un nouveau gouvernement, une coalition de centre gauche qui sera officiellement investie ce jeudi.
– le Parlement britannique a mis en minorité Boris Johnson puis a voté dans la foulée un report du Brexit de 3 mois.
– Boris Johnson a essuyé un nouveau revers avec le vote des députés contre des élections générales anticipées.
– le déficit commercial des États-Unis a diminué à 54 Mds$ en juillet, contre -55,5 Mds$ le mois précédent (révisé de -55,2 Mds$ en estimation initiale), et Wall Street s’est empressé « d’oublier » qu’il était attendu à -53,2 Mds$.
– le baril de WTI a grimpé de 4% vers 56 $ sur fond d’anticipation d’une amélioration conjoncturelle en Chine et d’une contraction des stocks de brut américain fin août.
Christine Lagarde se modère
Enfin, Christine Lagarde, qui passait son grand oral devant les députés européens en espérant voir sa candidature validée à la tête de la BCE, a jugé que nos économies avaient besoin d’un soutien monétaire vigoureux et de taux très bas pour une durée très étendue (comprendre au minimum pendant encore 2 à 3 ans).
Alors qu’elle semblait s’être ralliée au concept de taux négatifs en fin de semaine dernière (les marchés ont depuis longtemps devancé la BCE avec des taux à trois ans qui ont flirté avec les -1% sur les Bunds allemands et -0,85% sur nos OAT), elle s’est montrée cette fois plus circonspecte, expliquant qu’elle ne rejetait certes aucun outil par principe (“QE”, TLTRO, actions ciblées…), mais jugeant que leur efficacité doit être évaluée.
Surtout, la future ex-directrice générale du FMI veut s’assurer que les mesures monétaires espérées par les marchés ont effectivement bien plus de conséquences positives que d’effets collatéraux néfastes, notamment sur l’épargne des ménages, la consommation ou encore la montée des inégalités.
Mais l’activisme des banques centrales, et les marchés le savent depuis longtemps, a pour seul objet d’éviter l’éclatement des bulles d’actifs qu’elles ont contribué à faire gonfler, au détriment de l’économie réelle (la fameuse « trappe à liquidités »).
Eviter une seconde apocalypse financière et un krach généralisé qui serait bien pire que celui de 2008 justifie de poursuivre la fuite en avant dans des stratégies monétaires toujours plus imaginatives.
L’euthanasie des rentiers, le repli inexorable des valeurs bancaires, une récession molle et épuisante font figure d’inconvénients bénis en comparaison d’un effondrement imminent du système si les taux remontaient inopinément.