Aricle publié à l'origine sur www.centaure-investissements.com
Croissance et inflation : un dilemme pour les banques centrales
Les banques centrales sont confrontées à une situation épineuse. Jusqu’à présent, la Banque centrale américaine compensait habilement la baisse de la croissance et les pressions déflationnistes en adoptant la doctrine du « whatever it takes ». En somme, baisser les taux d’intérêt, en dessous de zéro si nécessaire tout en inondant le monde de liquidités. Mais ça c’était avant ! Aujourd’hui, l’économie mondiale doit affronter deux sujets majeurs – Croissance et inflation : un dilemme pour les banques centrales.
Les moteurs du changement de paradigme
La croissance
Actuellement, les compteurs s’affolent pour 2021. Toutes les grandes organisations internationales révisent à la hausse, mois après mois, les prévisions de croissance pour 2021. Et cela semble également s’avérer vrai pour 2022. Ceci est dû, d’une part, à un effet de rattrapage après un statu-quo inédit de l’économie depuis mars 2020 et d’autre part, à l’utilisation des stocks d’épargne des ménages et des trésoreries des entreprises. In fine, les banques centrales n’ont donc plus besoin de soutenir à bout de bras, une reprise déjà bien visible.
L’inflation
Elle rebondit très fortement aux États-Unis où elle a atteint 4.2% le mois dernier. En Europe, même si elle reste plus mesurée, elle vient de passer la barrière symbolique des 2%. Ainsi, la hausse des prix des matières premières combinée à la hausse des salaires va probablement alimenter ce rebond de l’inflation pendant encore quelques mois. De facto, les banques centrales n’ont donc plus besoin de combattre la déflation mais simplement maintenir l’inflation sous contrôle.
Les conséquences de cet alignement des planètes
Si la croissance et l’inflation rebondissent comme prévu, les banques centrales vont devoir remonter les taux d’intérêt en absorbant mécaniquement une partie des liquidités qu’elles ont préalablement distribuées. Les banques centrales vont donc être confrontées à un problème cornélien. En effet, elles ont créé une addiction à l’argent gratuit ou magique en dopant l’économie … Et si elles commencent à réduire ces doses de cocaïne monétaire qu’elles fournissent depuis de nombreux mois sans compter ou presque, elles vont provoquer une panique chez les junkies !
Il y a 3 typologies de junkies addicts à la cocaïne monétaire
Les marchés financiers
Les bourses sont obsédées par le moindre signe de « tapering » (c’est-à-dire la réduction progressive des injections de liquidités). Dans cette hypothèse, beaucoup d’actions qui n’ont cessé de monter depuis un an grâce à la masse de liquidités injectées, vont inéluctablement baisser.
L’immobilier
Dans tous les pays, les prix de l’immobilier ont flambé et continuent à atteindre des niveaux stratosphériques alimentés par des taux historiquement bas. Gare aux rendement des SCPI par exemple !
Les États
Les États-cigales comme la France et les pays du sud de l’Europe, ont accumulé des dettes colossales. Grâce aux banques centrales, » on rase gratis ! » Plus on dépense, plus on distribue de l’argent magique et moins on paie d’intérêts. En cas de hausse des taux d’intérêt, même minime, cela serait dévastateur pour les pays surendettés. Le service de la dette plongerait les déficits dans des niveaux encore plus aberrants que ceux d’aujourd’hui. Ainsi, les banques centrales sont donc prises en étau. Elles ont fabriqué un monde qui vit dans un espace parallèle déconnecté de la réalité grâce aux substances hallucinogènes distribuées massivement et gratuitement. Le monde d’après ne peut plus fonctionner dans des conditions normales. Il ne leur reste plus qu’à prier pour que l’inflation ne soit que passagère.
Une économie sous perfusion décorrélée de la réalité
Dès lors, les indices boursiers continuent à afficher de nouveaux records. Le CAC a dépassé les 6 500 points en affichant une hausse de 17% sur l’année. Il se paie même le luxe de faire mieux que le Dow Jones en hausse de 15%. D’autre part, un autre facteur d’aberration que nous vivons en ce moment du fait de cet Helicopter Money porte sur les défaillances d’entreprises. En effet, nous venons de vivre l’une des crises les plus violentes des dernières décennies. Mais malgré cela, le nombre de faillites au premier trimestre n’a été que de 7 400 contre 14 900 au premier trimestre 2019, alors que nous n’étions pas en crise. Cette situation inédite soutenue par les PGE (Prêts Garantis par l’Etat) a fait émerger des milliers d’entreprises « zombies » survivant dans un monde parallèle.
Les SPAC (Special Purpose Acquisition Company)
Présentes aux Etats-Unis depuis les années 90, les SPAC sont des coquilles juridiques facilitant l’entrée en Bourse des entreprises en leur évitant de suivre les vérifications instaurées par les marchés financiers. Il existe deux manières de concevoir les SPAC. Soit comme des véhicules d’investissement d’acquisition qui concurrencent alors le private equity, soit comme la création d’un véhicule d’investissement côté lorsque les marchés sont porteurs pour acquérir une société qui n’est pas encore mature pour entrer en Bourse, mais qui le sera d’ici un à deux ans. Arrivé en France récemment, ce nouveau véhicule d’investissement fait beaucoup parler de lui en ce moment. Ces SPAC permettent des introductions en bourse de « coquilles vides » ! Elles ont constitué la grande majorité des introductions en bourse depuis près d’un an. Mais les performances sont tellement désastreuses que même sous ecstasy monétaire, les investisseurs commencent à se poser des questions. La folie des SPAC, ces coquilles financières à la recherche d’entreprises à introduire rapidement en Bourse, s’est même emparée du secteur spatial américain. Une entreprise comme Redwire, totalement inconnue il y a un an, a vu sa cote s’envoler sous l’effet de cette folie.