Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Le rebond de 20 à 25% des indices boursiers depuis leurs planchers de fin décembre était a priori mission impossible…
Sauf improbable concours de circonstances et alignement des planètes avec :
– s’agissant de la guerre commerciale, un « deal » très avantageux pour les Etats-Unis accepté dans un moment d’égarement par Xi Jinping.
– concernant le Brexit, une sortie claire et ordonnée définissant clairement les relations entre le Royaume-Uni et l’Europe continentale.
– au niveau macroéconomique, des chiffres d’activité démentant sans ambiguïté les médiocres prévisions du FMI, de l’OCDE, de la FED et de la BCE.
Mais aussi :
– une forte baisse du pétrole restituant du pouvoir d’achat aux ménages (la consommation étant tout de même à 70% le moteur de la croissance).
– une ruée des épargnants vers la Bourse – c’est tout le contraire puisque les flux restent négatifs – , les banques centrales remplissant le ciel de colombes et déversant des liquidités à la lance à incendie (c’est probable, mais pour l’instant, il faut encore se contenter de belles paroles)
Mais si les Bourses auront bel et bien grimpé durant ce premier trimestre à marquer d’une pierre blanche, mais rien de ce qui précède – et qui paraissait indispensable – ne s’est produit !
Des valorisations boursières loufoques
Bien au contraire, le Brexit est rentré vendredi après-midi dans sa phase la plus ésotérico-surréaliste, tandis que Donald Trump a laissé entendre qu’un accord sino-américain n’était finalement pas une urgence.
L’estimation de la croissance américaine a de surcroît été revue de +2,6 à +2,2% à fin 2018, et les indices ISM ainsi que les statistiques sur l’immobilier ont sorti les aérofreins.
Quant aux valorisations boursières, elles sont reparties dans le cosmos ! Et si les records de fin septembre n’ont pas été réédités (il ne s’en est parfois fallu que de 2 ou 3%), les perspectives bénéficiaires sous-jacentes – spectaculairement revues à la baisse d’au moins 25% en moyenne – sont désormais à des années-lumières de ce qu’elles étaient six mois auparavant.
Tout cela n’a pas fait dérailler l’irrésistible rally haussier et le trip intergalactique a été jusqu’à son terme, conclu par un bouquet final de toute beauté.
Le CAC40 a ainsi renoué avec les 5 350 points alors que les trois principaux indices américains ont tout « déchiré » (c’était le titre de ma chronique audio du 29 mars dernier). Fort d’une progression de 13,2 % entre le 1er janvier et le 29 mars, le S&P500 a ainsi réalisé sa meilleure performance trimestrielle depuis l’été 2009. Le Dow Jones et le Nasdaq n’avaient pour leur part plus fait aussi bien depuis le premier trimestre 2012, voire le premier trimestre 1998.
Et pour ceux qui auraient momentanément perdu de vue que tout est en permanence sous contrôle algorithmique, le Dow Jones a, grâce à un ultime coup de reins à 21h55 vendredi, grappillé in fine 0,05% sur le mois écoulé. Quant à ceux qui oublient que nous vivons à l’ère des « buybacks », lesquels ont transformé les marchés de 2019 en quelque chose d’encore plus exotique que le monde à l’envers de Lewis Carroll, ils ont été rappelés à la nouvelle réalité avec l’introduction en Bourse de Lyft (NASDAQ:LYFT), le principal concurrent d’Uber.
L’action a en effet clôturé en hausse d’environ 9% à 79$, après avoir un temps flambé de 23%… Pourtant totalement immature et immatérielle à ce stade de son développement, cette entreprise californienne est du coup valorisée près de 30 Mds$ pour un chiffre d’affaires de 2,3 Mds$.
Et au cas où être valorisé 13 fois son chiffre d’affaire n’était pas encore assez délirant, les acheteurs ont permis à Lyft d’éponger dans l’allégresse une perte de quasiment 911 M$ en 2018 et de plus de 2 Mds$ sur trois ans.
Toute ressemblance avec la bulle des « dot.com » de l’An 2000, durant laquelle les entreprises se payaient non pas 20 fois leurs gains mais 20 fois leurs pertes, est parfaitement pertinente et assumée !