Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Cela fait des années que je pronostique la désincarnation du marché, menant à son anéantissement (non pas la disparition mais le basculement dans le néant)… Alors quand la chose se produit, « ça fait tout drôle ». Ceux qui faisaient semblant, depuis 2012 (et le whatever it takes de Draghi), de croire que le « marché » assurait encore partiellement sa fonction d’efficience du prix, se retrouvent tout confus devant les trois semaines d’électroencéphalogramme plat à Wall Street et face à un VIX retombant sous 10 alors que les indices ne décalent pas de plus de 0,1% durant 6 à 8 heures… On pourrait croire que les ordinateurs de cotations sont en panne prolongée. Ils ne savent plus trop quoi dire devant un Dow Jones qui oscille, durant 6 heures et demie, entre 20 070 et 20 080 points, et clôturant à -0,01%.
Le S&P500 se comporte exactement de la même façon (entre 2 414 et 2 416 points, pour clôturer de +0,03% à 2 416). Idem pour le Nasdaq qui, avec une hausse de 0,08% à 6 210, donnerait presque le vertige : c’était son second record absolu de clôture, conclusion logique d’une série de 5 hausses consécutives en mode funiculaire. (Voir l’article de Gilles sur le sujet).
Ce mode funiculaire, vous le connaissez bien ; son corollaire c’est « rien ne fait plus rien au marché ». Ni les turpitudes de Trump avec le FBI au sujet de la Russie, ni son apologie outrancière de l’Arabie Saoudite, berceau du salafisme qui frappait quelques heures plus tard à Manchester, ni des chiffres d’une croissance américaine anémique (certes revus de +0,7% à +1,2% au 1er trimestre). Que la camisole algorithmique dessine un canal ascendant ou horizontal, et le VIX s’écrase sur le palier des 10.
10. Ce qui signifie le zéro absolu en matière de perception des risques économiques, géopolitiques, systémiques. Cela tombe bien parce que le risque sous-jacent et justement d’ordre hyper-systémique. Comme tout ne repose plus que sur les banques centrales, toutes les autres catégories d’acteurs sont devenus complètement inutiles à force de répression financière, et ne font que de la réplication indicielle – donc en pratique, ne réagissent plus à rien, ne tiennent plus compte de rien, n’anticipent plus rien… D’où ce constat le plus largement partagé et sans équivoque : « plus rien ne fait rien au marché »… parce qu’il n’y a plus de marché ! Un seul fixing hebdomadaire suffirait désormais.
ésincarnation et anéantissement… cela sonne un peu comme un game over, non ?