Les tensions dans le secteur de l’immobilier commercial aux États-Unis a des répercussions jusqu’en Europe. La banque allemande Deutsche Pfandbriefbank (PBB) fait partie des acteurs exposés. Ses créanciers sont désormais plus prudents, tout comme l’agence Standard & Poor’s Global (S&P).
Cette prudence se cristallise, sur le marché secondaire, par une envolée de la prime de risque liée à la détention des obligations du prêteur allemand.
Ainsi, pour ne citer qu’elle, l’obligation Deutsche Pfandbriefbank AG d’une échéance égale au 5 février 2027 assortie d’un coupon de 5% cote désormais aux alentours de 92% sur le marché secondaire. Elle se traitait encore au-delà des 103% du nominal fin janvier…. Au prix actuel, l’investisseur peut compter sur un rendement de 8,12%.
Standard & Poor’s dégrade
Cette souche obligataire libellée par coupures de 1.000 euros bénéficiait, jusqu’il y a peu, d’un rating "BBB", dans la catégorie "Investment grade" chez S&P.
Mais depuis ce 14 février, les obligations Deutsche Pfandbriefbank ont un peu moins la cote chez S&P, laquelle a décidé de dégrader d’un cran le rating de l’obligation sous revue à "BBB-" contre "BBB". La perspective associée est "négative". En clair: une nouvelle dégradation n’est pas à exclure. Si S&P devait passer à l’acte, Deutsche Pfandbriefbank tomberait alors dans la catégorie spéculative…
S&P justifie sa décision par "la pression prolongée des marchés de l’immobilier commercial sur la qualité des actifs de Deutsche Pfandbriefbank". L’agence estime que la banque allemande a "une concentration significative dans le financement de l’immobilier commercial", "un secteur où il y a eu des changements structurels importants, en particulier dans les bureaux et le commerce de détail".
S&P s’attend à voir le ratio des prêts non performants de Deutsche Pfandbriefbank grimper. Elle estime aussi que les conditions difficiles du marché de l’immobilier commercial persisteront cette année, notamment aux États-Unis et en Allemagne. "Cela nous a incité à réévaluer négativement le niveau de risque de la banque", conclut l’agence de notation.
"Des besoins de refinancement largement couverts pour 2024"
Les investisseurs obtiendront sans doute des chiffres détaillés et des informations supplémentaires le 7 mars prochain, à l’occasion de la publication des résultats annuels de Deutsche Pfandbriefbank. La banque allemande a déjà tenté de rassurer.
En effet, elle a publié récemment un communiqué indiquant que son coussin de liquidités lui permettait "de fonctionner pendant plus de six mois, sans nouveau financement sur les marchés des capitaux". Quant aux besoins de refinancement, "ils sont aussi largement couverts pour 2024", a-t-elle encore précisé.
"La plus grande crise immobilière depuis la crise financière"
Deutsche Pfandbriefbank est dans le viseur des investisseurs après avoir annoncé, à l’occasion de la publication de ses résultats annuels préliminaires, une augmentation de ses provisions pour faire face aux fragilités du secteur immobilier commercial américain.
"Compte tenu de la faiblesse persistante des marchés immobiliers, Deutsche Pfandbriefbank a encore augmenté ses provisions pour risques au quatrième trimestre 2023", lit-on dans le communiqué du 7 février. Et celle-ci d’ajouter qu'elle "reste rentable grâce à sa solidité financière, même dans la plus grande crise immobilière depuis la crise financière".
Télétravail, taux d’intérêt, refinancement…
Le secteur immobilier commercial américain est sous pression depuis plusieurs semaines maintenant, au point même d’inquiéter la secrétaire d’État au Trésor, Janet Yellen. Celle-ci s’est déclarée préoccupée par les tensions qui pèsent sur les banques et les propriétaires dans le secteur de l’immobilier commercial.
Ces tensions sont la conséquence d’une combinaison de facteurs comme le développement du télétravail (entraînant des taux d’inoccupation élevés), la hausse des taux d’intérêt ou encore les difficultés de certains acteurs du secteur à se refinancer.
Exposée au marché immobilier américain, Deutsche Pfandbriefbank est donc particulièrement concernés. Mais d’autres acteurs sont aussi impactés. La Deutsche Bank (ETR:DBKGn) a, elle aussi, augmenté ses provisions pour créances douteuses liées au secteur immobilier commercial américain.
Outre-Atlantique, la banque américaine New York Community Bancorp (NYCB) cristallise toutes les inquiétudes, après avoir annoncé une baisse de 70% de son dividende pour améliorer son bilan. NYCB qui est aussi confrontée à des problèmes de gestion a par ailleurs vu sa note déclassée au rang d’investissement spéculatif et son action s’effondrer à Wall Street.