La devise de la seconde économie d’Amérique Latine progresse de 22% depuis le 1er janvier face à l’euro, les investisseurs profitant du différentiel de taux favorable entre les deux devises pour se positionner sur le réal brésilien.
"Carry trade"
Par différentiel de taux favorable, comprenez par là que les placements, obligataires notamment, libellés en réal offrent des niveaux de rendement bien plus élevés que ceux conférés par les placements en euro, ce qui entraîne des flux de capitaux dans la devise concernée et in fine, lui permet de performer.
Certes, les rendements attractifs en BRL intègrent une prime de risque liée à la qualité de crédit et aux fondamentaux de l’économie brésilienne, mais la hausse des taux directeurs successifs de sa Banque centrale explique pour bonne part à l’appréciation du réal.
Si les taux dans la zone euro sont toujours proches de zéro et ne devraient pas être relevés avant l’été au plus tôt, la Banco Central do Brasil a porté dernièrement son taux directeur à 12,75%, l’augmentant de 100 points de base.
Il s'agit de la dixième hausse consécutive depuis mars 2021, lorsque ce même taux évoluait à un plancher historique de 2%.
Prise à l’unanimité, la décision monétaire vise une nouvelle fois à juguler une inflation galopante qui a atteint 11,3% en mars. C’est aussi la plus forte poussée inflationniste depuis octobre 2003, selon les données officielles.
Pour la suite, le Copom, le comité de politique monétaire, a laissé entendre qu’il procéderait à une nouvelle hausse de taux en juin, mais de moindre ampleur que les précédentes.
Des tours de vis monétaires qui ont donc contribué au gain de 22% du réal cette année face à l’euro. En hausse de 40%, seul le rouble fait mieux sur le marché des changes depuis le 1er janvier.
A noter que la devise a battu en retraite la semaine passée, en marge des craintes liées à un recul de la croissance mondiale dû aux mesures de confinement en Chine. Ces derniers jours, le réal reprenait toutefois du terrain, à la lueur d’espoir d’allégement des mesures à Shanghaï.
Risque politique
Au-delà de ces aléas monétaires et économiques, on rappellera que le Brésil se trouve dans une année électorale et que d’ici octobre, l’incertitude du scrutin présidentiel pourrait être synonyme de volatilité pour les actifs domestiques.
Tandis que l’ancien président de gauche Luiz Inácio Lula da Silva entend faire tomber à tout prix Jair Bolsonaro, soupçonné d’avoir dirigé les attaques judiciaires contre lui, tous les ingrédients sont réunis pour avoir une période électorale explosive.
Bien placé dans les sondages, Lula da Silva promet de "reconstruire le Brésil", après la gestion "irresponsable et criminelle" du gouvernement de Jair Bolsonaro.
Les marchés tenteront eux de définir les composantes fiscales liées à celui qui prendra le pouvoir en 2023. Les inquiétudes concernant l'augmentation des dépenses, sachant que Bolsonaro cherche à se faire réélire, seront également prises en compte.
Andre Perfeito, économiste en chef chez Necton Investimentos, a mentionné la récente tension entre le ministre de la Cour suprême Luis Roberto Barroso et les forces armées sur l'équité des machines à voter électroniques.
"Cette question crée un climat de forte instabilité pour l'élection présidentielle, ce qui est central pour de nombreux investisseurs internationaux qui considèrent la stabilité démocratique comme un point clé pour les investissements à long terme", a-t-il déclaré.
Investir en réal avec un rendement annuel de 10%
Pour ceux qui seraient tentés de diversifier leur épargne dans du réal, Oblis a épinglé l'emprunt de la Banque mondiale pour la reconstruction et le développement, assortie d’un rating « AAA » chez Standard & Poor’s, ce qui permet donc de limiter le risque encouru sur l’évolution de la devise d’émission.
Remboursable en 2026, elle affiche un rendement annuel à l’échéance de 10,54%, sur base d’un cours nettement inférieur au pair de 83,77% du nominal.
Nota bene : le coupon des intérêts et le remboursement sont directement convertis en euro lors du paiement.