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La croissance américaine déraille méchamment

Publié le 17/10/2016 14:01
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La croissance américaine est comme les deux candidats aux présidentielles : elle déraille méchamment

Alors même que les périls politiques (Brexit et élections américaines) et géopolitiques (Syrie, Libye, Yémen, Mer de Chine, Ukraine…) s’accumulent, le mois d’octobre ne justifie pas cette année sa sinistre réputation boursière puisque le CAC 40, l’Euro Stoxx 50 ou le S&P 500 gardent le contact avec des niveaux techniques réconfortants (4 500, 3 030 et 2 150 points), car situés au-dessus de leur médiane estivale ou à proximité de leur record absolu.

Le marché a absolument tout digéré ces derniers jours. A commencer par le redressement de la courbe des taux, puis la nouvelle glissade du yuan vers des planchers annuels (6,73 face au dollar) – la chute s’avérant d’ampleur comparable à celle de la mi-août 2015 ou janvier 2016.

La hausse du pétrole ne convainc personne

Le tout sur fond de hausse des prix du pétrole, dont chacun s’accorde à reconnaître qu’elle n’est en aucun cas liée à des perspectives d’accélération économique dans un avenir prévisible en Europe, aux Etats-Unis ou même en Chine (après les révisions à la baisse des objectifs de croissance du FMI, de l’OCDE et même de la Bundesbank).

En l’absence de signaux de reprise, un renchérissement du coût de l’énergie n’est pas une bonne nouvelle pour les économies occidentales. On pourrait se consoler en considérant que les pays producteurs vont récupérer du pouvoir d’achat, mais la « force » du dollar – dans l’anticipation d’une hausse des taux par la Fed le 13 décembre prochain – va compliquer l’équation pour de nombreux pays émergents, du moins ceux qui ne produisent pas d’or noir et sont endettés en dollar.

Le lien symétrique entre le pétrole et le billet vert (lorsque l’un grimpe, l’autre se replie – et réciproquement) est invalidé depuis la mi-septembre. Cela fait une victime supplémentaire : l’or et, plus largement, les métaux précieux.

Le pétrole (WTI) vient de nouveau de buter sur les 51,5 $. Cela aurait pu constituer une incitation à quelque prise de bénéfices, l’accord de l’OPEP étant déjà dans les cours, voire surjoué. Cependant, une série d’éléments imprévus viennent se greffer dans le paysage, à commencer par un retour de l’instabilité politique au Koweït avec la dissolution surprise du parlement par l’émir régnant Sabah al-Ahmad al-Jabir al-Sabah, tandis que de nouveaux sabotages sur des pipelines nigérians vont affecter les capacités exportatrices du pays.

Les conséquences d’une hausse du baril au-delà des 51 $ serait positives sur l’inflation aux Etats-Unis (qui se rapprocherait de l’objectif de la Fed), mais ne le serait pas pour le pouvoir d’achat des ménages américains, lequel a bénéficié depuis 18 mois du repli des carburants et du fioul. De quoi compenser l’absence de hausse significative des salaires.

La Fed découvre qu’elle se serait trompée…

La Fed n’ignore pas ces données et Janet Yellen se pose beaucoup de questions à ce sujet. Rappelez-vous, elle a déclaré vendredi dernier (le 14 octobre) que « la crise a pu causer des dommages permanents [à l’économie américaine], ce qui impliquerait éventuellement de repenser les politiques monétaires et budgétaires. Cela pourrait passer par la mise en oeuvre d’une gamme d’outils non conventionnels plus étendue et plus rapidement mobilisable lors d’une récession, afin d’éviter de nouvelles séquelles ».

Oui, vous lisez bien… La Fed admet que son diagnostic a pu passer complètement à côté des causes profondes du problème qu’elle prétendait traiter avec ses remèdes d’apprenti-sorcier. Au cas où les choses tourneraient mal, il faudrait donc aller encore plus loin dans la fuite en avant et les stratégies non-conventionnelles. Autrement dit, des stratégies totalement expérimentales et sans aucune idée sur leur degré d’efficacité.

Perçoit-elle que les choses sont effectivement en train de mal tourner et que le discours sur une prochaine hausse de taux est déjà complètement à contre-tendance dans une économie qui ralentit sévèrement quand Wall Street veut encore la croire en expansion ?

Jugez plutôt : l’Association of American Railroads confirme indirectement la contraction de l’activité manufacturière aux Etats-Unis avec une chute de -4,8% du tonnage de marchandises transportées par rapport la mi-octobre 2015 et de -10% par rapport à octobre 2014 (ce qui inclut le pétrole, le charbon, les produits chimiques, les céréales, les pièces détachées, etc.).

Le trafic sous forme de conteneurs et remorques (qui compte pour 46% du fret ferroviaire global) a chuté de -6,4% par rapport à il y a un an et le nombre de wagons de marchandises en circulation a baissé de 5,4% en rythme annuel le mois dernier.

A moins de parier que les 550 000 emplois créés chaque année dans le secteur de la restauration (cuisiniers, commis, serveurs) vont compenser le recul de l’activité manufacturière (avec ses emplois techniques et hautement qualifiés), il paraît assez probable qu’une Fed se sentant contrainte de tenir parole en matière de hausse de taux n’agisse au plus mauvais moment. Enfin… le plus mauvais depuis décembre 2015, qui était déjà moins favorable que décembre 2014, etc.

En ce qui concerne les actions, leur valorisation est au zénith tandis que la prime de risque par rapport aux taux d’intérêt à long terme est la plus faible depuis le 5 juin dernier.

Si les banques centrales n’exerçaient pas un contrôle de tous les instants sur l’évolution des indices et des instruments obligataires, il y a longtemps qu’une reconnexion – même partielle – avec les tensions géopolitiques et la conjoncture mondiale, puis la prise en compte des pressions « récessionnistes » auraient tout fait exploser. Mais cela ne saurait se produire cette fois-ci avant le 8 novembre.

C’est déjà bien assez que la crédibilité des deux candidats à la présidence des Etats-Unis se soit désintégrée au fil de la campagne et de débats abjects. Pas de scénario à la Lehman qui permettrait aux républicains de prendre leur revanche, huit ans après le catastrophique début d’automne 2008 qui leur avait coûté les élections.

L’Amérique a un plan de reconfiguration du Proche-Orient et d’affrontement avec la Russie. Il ne faudrait pas que l’élection d’un Trump vienne la priver du dernier moteur industriel qui fonctionne encore : l’industrie de l’armement !

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