Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Le spectre d’un reconfinement partiel dans certaines métropoles américaines ainsi que des restrictions de déplacements entre Etats a jeté une ombre sur Wall Street… qui s’est emparé de ce prétexte pour consolider de -2,5%, après une ascension de +30% sur le S&P500 depuis le 1er avril, sa plus formidable performance trimestrielle depuis 1975.
Mais les prises de bénéfices et la glissade liées au Covid-19 ont été rapidement enrayées, contrairement au 11 juin dernier, de telle sorte que le VIX n’a décalé que de +5% à la hausse contre près de +50% en quelques heures 15 jours auparavant.
Les investisseurs parient cette fois sur une issue heureuse car il ne reste plus que 4 séances avant de clôturer le second trimestre le plus paradoxal de l’histoire des marchés : ils vont enregistrer leur plus forte hausse en un siècle tandis que la croissance va symétriquement subir sa pire contraction au cours du même intervalle.
De quoi entretenir la conviction que les actions sont non seulement incontournables (le fameux “TINA”) mais qu’elle sont devenues invulnérables, parce que telle est la volonté des banques centrales.
C’est le genre de conviction qui peut conduire beaucoup de nouveaux venus en Bourse au désastre : le million et demi de particuliers qui ont ouvert des comptes-titres chez un broker (le célèbre “Robinhood” n’est qu’un parmi tant d’autres) depuis le « krach éclair » de février n’ont connu que la hausse, et les rares épisodes correctifs n’ont pas été assez sévères pour que les appels de marge les obligent à déboucler leurs positions.
Habitués à un contexte où “ça gagne à tous les coups”… qui dure depuis 100 jours, les leviers augmentent, les prises de risque vont de pair alors que “payer les creux” prend l’apparence d’une martingale infaillible.
Des marchés invincibles, vraiment ?
Ce sentiment d’invincibilité ne caractérise-t-il pas les derniers moments qui précèdent l’éclatement d’une bulle ?
Si le marché était livré à lui-même comme en octobre 1987, mars 2000 ou juillet 2007, il serait grand temps de hisser le drapeau rouge et de se préparer à affronter une lame de fond prenant les spéculateurs à revers.
Mais comme à chaque phase de hausse maniaque, ça ne rate jamais, les investisseurs entonnent le refrain du “cette fois, c’est différent”.
Et ça l’est effectivement car les acheteurs n’ont pas seulement la force du nombre, puis le “momentum” (la dynamique haussière qui se nourrit d’elle-même) : ils ont les banques centrales avec eux.
Cette combinaison semble invincible… et il ne manque qu’un tout petit ingrédient pour que cela fonctionne : que le réel finisse par concorder avec les anticipations implicites des marchés.
Et le Nasdaq s’est de nouveau envolé depuis le 15 juin alors que les cas de contamination se multiplient de façon alarmante aux Etats Unis, et plus particulièrement en Alabama, Arkansas, Arizona, Floride, Caroline du Nord et du Sud, état de Washington, Utah et Texas.
Mais cette fois, la FED n’aura même pas besoin d’intervenir : la Maison Blanche vient de réaliser que la progression des cas de contamination provient de la multiplication des tests… et surement pas d’une contre-attaque sournoise du virus.
Le gouvernement va donc cesser de subventionner les tests : une rapide rechute statistique des cas de contamination est assurée : pandémie minimisée, problème résolu.
Le seul petit grain de sable, c’est la saturation des hôpitaux (avec ou sans tests) dans de nombreuses métropoles américaines, et en ce qui concerne la reprise en “V” vantée par la Maison Blanche, le FMI révise fortement à la baisse ses anticipations de croissance mondiale de -3% à -4,9% et en particulier celle des Etats-Unis de -5,9% à -8% (estimation d’avril).
Et avant même que Trump ne dégaine la menace de 3,1 Mds$ de taxes supplémentaires sur les importations en provenance de France, d’Allemagne, du Royaume Uni et d’Italie, le FMI avait également révisé la croissance dans l’Eurozone à -10,2% au lieu de -7,5 à -8%.
Donald Trump semble déterminé à mettre en œuvre les mesures les plus démagogiques pour complaire à ses électeurs : bien qu’il ait fait de Jerome Powell sa tête de turc à leurs yeux, il accorde en fait une immense confiance à la FED.
En effet, l’ayant vue abolir le risque sur les marchés puis abolir pour de bon les marchés eux-mêmes mi-juin, il se comporte comme s’il était convaincu que la FED peut également abolir le réel (récessions, chômage, pandémies…)
Cela tombe bien car il a désormais grand besoin que la FED abolisse par la même occasion Joe Biden.