Il s’agit d’une première dans l’histoire de l’UE, et la décision est risquée, puisqu’elle implique une confrontation politique directe entre l’Italie et l’UE, un conflit dont l’issue est très incertaine. Toutefois, les règles doivent être respectées pour que le système fonctionne et que l’UE reste crédible, et l’Europe ne peut pas permettre à l’Italie de s’en affranchir impunément.
Rappelons que le gouvernement italien a récemment annoncé une prévision de déficit budgétaire à 2,4% du PIB pour 2019. Cette prévision dépasse largement les recommandations de Bruxelles souhaite que le déficit budgétaire s'améliore de 0,6 point du PIB, alors que les propositions de Rome l’aggravent de 0,8 point.
Plusieurs pays ont déjà dévié de leurs objectifs auxquels ils se sont engagés auprès de la Commission Européenne, mais celle-ci a généralement fait preuve de souplesse après des récessions ou d'autres événements perturbateurs.
Cependant, le cas de l’Italie est différent. Non seulement son économie ne croît que lentement, mais le dépassement de budget prévu est «sans précédent», comme l'a indiqué la Commission dans une lettre au gouvernement la semaine dernière. De plus, sa dette publique, qui atteint plus de 130% du PIB, est énorme.
Mais l'Italie semble ne pas s'en inquiéter. Le ministre des Finances Giovanni Tria, a en effet déclaré que Rome ferait de la croissance la priorité dans son budget.
Il a non seulement rejeté les règles budgétaires de l’UE en présentant un budget les dépassant, mais il les a également contestées dans leur fondement même. Dans ces conditions, l’UE n’avait d’autres choix que d’aller au conflit, pour rester crédible.
Les règles sont peut-être imparfaites, mais restent nécessaires, et la crise de la dette souveraine montre pourquoi, avec l’exemple de la Grèce.
Avant, pendant et après la crise financière mondiale, la Grèce affichait en effet des déficits budgétaires hors de contrôle, ce qui avait amené les investisseurs à perdre confiance en la capacité d’Athènes à faire face à ses dettes.
La panique s’était propagée à d'autres économies fragiles de la zone euro, les « pays périphériques » dont l'Italie fait partie. Les États membres, avec le FMI et la BCE, avaient alors dû organiser des plans de sauvetage pour redresser la situation.
La leçon de la crise grecque est donc facile à retenir: La contagion est un phénomène concret dans la zone euro, et celle-ci a donc tout intérêt à ce que chaque membre maintienne la discipline budgétaire
Or, le projet de budget de l’Italie ne prévoit pas de réduction du déficit structurel avant 2022, ce qui a d’ailleurs déjà occasionné de lourdes sanctions de la part du marché.
Les rendements des obligations d’Etat à 10 ans et le spread de taux Italie-Allemagne ont en effet atteint leur plus haut niveau en près de cinq ans, tandis que l’agence de notation Moody's a dégradé les obligations de l’Italie à un niveau à peine supérieur à « junk ».
Pour résumer, avec une dette publique énorme et aucun effort concret pour maîtriser le déficit public, la menace d’une nouvelle crise de la dette souveraine dans la zone euro semble bien réelle.
Les dirigeants populistes italiens ont d’ailleurs un intérêt politique dans cette confrontation avec l’UE, dans la mesure où leur base électorale n’est pas franchement pro-Europe, et que leurs électeurs n’apprécieraient sans doute pas de voir le gouvernement se plier facilement à la volonté de l’UE.
Lors d’une interview accordée à Bloomberg, le Premier Ministre Giuseppe Conte a déclaré que l’Italie ne céderait pas.
Dans ce cas, la Commission devra appliquer les règles en sanctionnant, via sa procédure de déficit excessif, qui prévoit une amende pouvant aller jusqu'à 0,5% du PIB.
Les prochaines semaines risquent donc d’être mouvementées en ce qui concerne les discussions entre l’Italie et l’UE…