Dans notre dernière note de l’année 2014, nous confirmions la montée en puissance des incertitudes : « appréhender avec exactitude l’évolution des marchés financiers devient de plus en plus difficile ». La décision la semaine passée de la BNS semble abonder dans ce sens.
La fin inattendue du cours plancher de l’EURCHF est unanimement considérée comme un cygne noir. Ses répercussions sont certainement beaucoup plus vastes qu’anticipé initialement :
• Une psychose s’est installée sur le marché. Des rumeurs infondées d’abandon de l’arrimage de la couronne danoise à l’euro et du dollar de Hong Kong au dollar américain ont circulé tout au long du week-end. Plusieurs fonds américains ont même contacté des banques nordiques pour vérifier qu’un effet boule de neige de la mesure de la BNS n’était pas en train de se produire ;
• La parole des banques centrales a été désacralisée. Depuis quelques années, afin de sortir de la crise, le forward guidance s’était imposé parmi les banquiers centraux pour guider au mieux les attentes des investisseurs. On savait que le gouverneur Jordan de la BNS n’était pas adepte de cette stratégie mais personne ne pouvait imaginer une seule seconde qu’une banque centrale respectée puisse tenir un double langage. Il y a encore quelques semaines, la BNS confirmait son intention de défendre à tout prix le cours plancher. Le jeudi 15 janvier, il fut abandonné sans crier garde. La confiance liant les banquiers centraux aux investisseurs est durablement écornée, ce qui complique encore plus la tâche de la BCE qui doit se réunir ce jeudi ;
• Les prochains mois seront rythmés encore par des mouvements erratiques sur le marché des changes et les dernières certitudes risquent de tomber. Il ne faudra pas attendre bien longtemps pour s’en rendre compte. Dès cette semaine, l’annonce par la BCE du lancement d’un programme de rachats de dettes souveraines (QE) et les élections législatives en Grèce ont de fortes chances de causer une grande volatilité sur les cours ;
• On aurait tort de croire que le QE souverain soit automatiquement facteur de progression de l’aversion au risque et de hausse des indices. Tout dépendra de sa crédibilité vis-à-vis du marché, de son calibrage et de la mise en place d’une mutualisation des risques encourus. A en juger par les derniers échos venant de Francfort, le risque de déception du marché est grand ce jeudi. D’autant plus que le QE est déjà intégré dans les prix, comme on peut le constater aisément au niveau des paires en EUR.
• La Grèce figure au rang des problèmes qui sont apparemment insolvables en zone euro. C’est toutefois le symbole d’une problématique bien plus large, à savoir l’incapacité de nombreux Etats à renouer avec une marge de manœuvre budgétaire réelle en dépit de la mise en place d’une vaste consolidation budgétaire, et parfois même de mesures d’austérité. Les élections législatives ont peu de chances d’aboutir à un Grexit mais elles vont une nouvelle fois rappeler aux investisseurs à quel point l’Europe parait incapable de renouer avec une dynamique de croissance positive. QE ou pas d’ailleurs.