Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Wall Street enchaîne les séances de hausse (7 sur une série de 8 en ce qui concerne le “S&P” et le Nasdaq) mais aussi et surtout les records historiques : 9 728 mercredi soir pour le Nasdaq, 3 380 pour le S&P500, 29 550 pour le Dow Jones… que l’on sent littéralement aspiré vers les 30 000 points, un objectif réalisable au rythme actuel dès ce vendredi 14.
Non seulement les marchés semblent accorder un crédit intégral aux chiffres (invérifiables) transmis par les autorités chinoises mais ils valident également le scénario de conséquences économiques limitées suite à la propagation du virus 2019-nCoV, rebaptisé Covid-19, ce qui le rend immédiatement beaucoup moins redoutable, c’est l’évidence même.
Même Jerome Powell, dans son “témoignage” bi-annuel devant la commission des finances du Congrès, confirme ses craintes de voir l’épidémie de coronavirus perturber la croissance mondiale.
Et c’est la deuxième fois qu’il se montre aussi clair dans son pronostic en l’espace d’une semaine… ce qui pourrait signifier qu’il a déjà envisagé tous les moyens de faire face au risque d’un ralentissement, conformément au mandat de la FED qui consiste à assurer la stabilité des conditions économiques et si possible le plein emploi.
Et Jerome Powell a réaffirmé que ce plein emploi était justement atteint et qu’une croissance modérée devrait permettre de le maintenir en 2020.
Comment alors ne pas être saisi de vertige par l’ampleur de la contraction entre une croissance modérée (+2,3% fin 2019, malgré 1 100 Mds$ de déficit supplémentaire) et une envolée lyrique de +44% d’un indice boursier comme le Nasdaq en 13 mois et 2 semaines, de +18,5% en 4 mois et demi (dont 16 semaines de hausse sur 19, sans aucun épisode de retracement supérieur à -3,5%)… et désormais de +8,4% depuis le 1er janvier.
Des multiples de capitalisation sans équivalent depuis la bulle des “dot.com”
L’expansion des multiples de capitalisation en 1 an est historique. Le PER du S&P500, dans sa version la plus “conservatrice” (une sorte de photo instantanée du rapport cours/bénéfices) vient de passer la barre des 19 (la moyenne historique est de 13,5).
Et le ratio dynamique Case/Shiller affiche un peu moins de 30 fois les bénéfices… ce qui est cependant supérieur au PER affiché à la fin de l’été 1929.
Malgré ces niveaux records, Jerome Powell considère que “l’expansion des valorisations n’a rien d’insoutenable”… et la plupart des stratèges pensent qu’il parle en toute connaissance de cause puisque c’est la FED qui règle le débit du carburant monétaire (+450 Mds$ en 5 mois) qui propulse les actions américaines de record en record.
Après avoir longtemps échoué au contact des 3 800/3 820 points, l’Euro-Stoxx50 vient à son tour de pulvériser la résistance des 3 825 points de la mi-mai 2015 pour fuser en direction des 3 850 points, dans le sillage du DAX qui pulvérise de plus de 100 points le précédent record absolu des 13 640 du 22 janvier.
L’Allemagne est non seulement le pays d’Europe le plus exposé à un ralentissement de l’activité en Chine mais c’est aussi celui où les perspectives politiques présentent le plus d’incertitude : nul ne sait depuis mardi -avec le renoncement de la dauphine d’Angela Merkel à prendre la tête de la CDU– quelle ligne prévaudra au second semestre.
Car la CDU est elle même divisée avec une frange libérale et pragmatique (ligne Merkel) soutenant une BCE pro-active et ouvertement non orthodoxe, et une frange conservatrice (ligne “bavaroise”) qui réclame de longue date l’arrêt des injections de liquidités (“QE”) et de l’aventurisme monétaire.
Autrefois, l’incertitude minait le moral des marchés, aujourd’hui c’est l’aiguillon qui les propulse vers la stratosphère puisque les banques centrales se sont juré d’anéantir tous les prémices d’aversion au risque: elles sont à l’origine d’une “froide euphorie”.