Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Le « NFP », c’est-à-dire les chiffres mensuels de l’emploi américain, était l’indicateur macroéconomique le plus attendu de la semaine écoulée.
Il a été publié vendredi, au lendemain de la Fête Nationale américaine, alors que les « sherpas » s’étaient ingéniés à propulser Wall Street vers de nouveaux sommets historiques. Comme je l’évoquais jeudi dernier dans ces colonnes, chacun avait bien conscience de la manœuvre qui consistait à faire coïncider le 4 juillet avec un feu d’artifice boursier.
Il y avait donc un risque important de correction, soit parce qu’un score décevant -comparable à l’enquête d’ADP (PA:ADP) sur l’emploi privé – pouvait confirmer les craintes d’un ralentissement conjoncturel qui pénaliserait les entreprises (révision à la baisse de l’estimation des profits au troisième trimestre), soit au contraire parce qu’un score élevé était susceptible de réduire la probabilité de voir la FED s’aligner sur les attentes du marché (-50 points de base fin juillet) et sur les exigences de Donald Trump en matière de soutien à l’économie.
Les créations d’emplois du mois de juin se sont finalement révélées bien supérieures aux estimations du consensus puisque le Département du Travail en a dénombré 224 000, contre une prévision moyenne des économistes de 160 000. Et si les craintes d’un pullback semblaient se matérialiser, les principaux indices américains n’ont au bout du compte subi qu’une consolidation marginale avec des replis de l’ordre de 0,15% sur le Dow Jones et le S&P500, et de 0,1% sur le Nasdaq Composite.
Le secteur pharmaceutique malmené
C’est d’ailleurs Donald Trump – qui se vantait mercredi soir d’avoir favorisé 104 records sur le S&P500 depuis son élection – qu’il faut blâmer pour cette clôture dans le rouge, ayant lui-même averti les « labos » qu’un décret allait être adopté en vue de baisser drastiquement les prix des médicaments, y compris via un alignement sur les tarifs les plus bas pratiqués dans le monde”.
Le repli du S&P500 s’explique en fait par les seules baisses de Merck, Bristol-Myers (-1,5%), Johnson & Johnson (NYSE:JNJ) et Pfizer (NYSE:PFE) (-1,1%)… sans lesquelles le franchissement de la barre des 3 000 points eut été un jeu d’enfant.
Le Nasdaq a quant à lui été plombé par les mauvaises performances de Regeneron (-3,6%), Vertex (NASDAQ:VRTX), Biomarin (-2,6%) et Alexion (NASDAQ:ALXN) (-2,3%).
Toutefois, en dépit de ce rendez-vous raté avec de nouveaux records absolus vendredi, Wall Street a aligné une quatrième semaine de hausse sur une série de cinq (après une consolidation à l’horizontal fin juin) et le Nasdaq n’a échoué qu’à quatre petits points de son record des 8 176 points inscrit le 29 avril dernier.
La séance de vendredi a suscité bien plus d’interrogations qu’elle n’a apporté de réponses et la principale question que se posent les intervenants est de savoir si la FED, qui semble disposer d’arguments objectifs pour « patienter » et résister à la pression du président américain, osera le défier ou non.
Le grand écart persiste entre les résultats de l’enquête ADP et les chiffres du NFP
A noter par ailleurs que les résultats de l’enquête d’ADP publiée comme de coutume 48 heures avant le NFP se sont une nouvelle fois révélés surprenants, avec seulement 102 000 nouveaux postes recensés, soit un écart considérable avec les données publiées par le Département du Travail et qui est difficilement explicable.
De son côté, le NFP a consacré un coup d’arrêt à la dégradation du marché du travail depuis le début de l’année. Alors que la moyenne mensuelle était tombée à 164 000 fin mai, contre 223 000 l’an dernier, le mois de juin a en effet renoué avec les niveaux de 2018. Reste à savoir si cette embellie perdurera ou s’il s’agit en quelque sorte d’une fiction comptable ?
Dans l’immédiat, le Dow Jones, le S&P500 et le Nasdaq dessinent l’ébauche d’un double-sommet quasi-parfait, et ce « M » baissier potentiel est tellement évident pour n’importe quel chartiste, même le plus néophyte, qu’une majorité d’acteurs préfèrera s’abstenir de toute prise de risque.
Mais comme plus personne n’ose jouer une correction face à des banques centrales déterminées à soutenir les marchés, il pourrait devenir très facile d’effacer les résistances avec une mise limitée, ce qui en revanche déclenchera une vague d’achats de la part des suiveurs qui n’ont aucun état d’âme ni questionnements quant à la soutenabilité de la hausse actuelle.
Des taux négatifs justifient n’importe quel multiple de valorisation sur les actions… et certainement des niveaux bien plus élevés sur les cours de l’or et de l’argent, des marchés encore négligés car trop étroits et trop manipulés.