Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Peut-être que la correction boursière est en train de se mettre en place subrepticement… Vicieusement même puisque la journée d’hier à Wall Street s’est soldée par une nouvelle consolidation, la sixième sur sept séances. Une séquence inédite depuis la série noire du 14 au 24 décembre (six sur sept également), mais avec une différence de taille : le Dow Jones n’a dans l’immédiat cédé que 1,7%, alors qu’il avait décroché de 11,5% fin décembre.
Quant au baromètre du stress (vous savez, le fameux VIX, l’indicateur de volatilité du marché américain), il s’est encore redressé de 6% pour s’établir au-delà des 15,6. Cela représente une hausse de 22% en l’espace de cinq séances, depuis un plancher de 13,6, laquelle pourrait suffire à caractériser un renversement de polarité.
Dans un autre registre, cette phase de consolidation a également permis aux indicateurs techniques (notamment les RSI) de quitter la zone de surachat et de se ménager de nouvelles marges de progression, sans que les indices aient subi de gros dégâts… et surtout sans que le doute puisse s’installer sur le plan « technique ».
Reste qu’en ce qui concerne les fondamentaux, cela fait longtemps que le doute aurait dû faire dérailler le rally haussier, entre une croissance américaine à bout de course, le serpent de mer d’un accord sur la guerre commerciale entre Washington et Pékin et un déficit commercial record aux Etats-Unis l’an passé (621 Mds$, +12,5%, et 891,3 Mds$ hors services)… Qu’à cela ne tienne : les cours grimpent ou à tout le moins résistent alors même que les principaux collecteurs d’épargne et les plus grands gérants de fonds de retraite enregistrent des « flux négatifs » (autrement dit, des désinvestissements) depuis le mois de janvier.
Des acheteurs providentiels
Dès lors, on peut se demander qui sont ces providentiels acheteurs qui maintiennent le marché en lévitation. La réponse est simple et limpide : il s’agit des entreprises cotées qui rachètent leur propres titres dans le cadre d’un « programme » qui, par définition, n’est exécuté ni en fonction des indicateurs au jour le jour, ni au gré des tweets de Donald Trump, ni à l’aune du diagnostic de la FED (laquelle, dans son dernier « Livre Beige », impute au seul « shutdown » le ralentissement dans l’industrie, la distribution et l’immobilier, et voit des signes encourageants du côté de l’emploi ainsi que des hausses de salaires, bonnes pour le moral des ménages).
Mais si jamais il fallait expliquer aux membres du conseil d’administration pourquoi l’entreprise continue de « payer », alors même que les cours ont repris plus de 20% sur le Nasdaq et environ 15% sur le S&P500 en l’espace de dix semaines, le meilleur argument (ou pseudo-argument) serait que le président américain évalue à 10% le potentiel de hausse des marchés lorsqu’il aura fait signer à la Chine le plus parfait des accords commerciaux jamais conclus entre les 2 pays.
A cet égard, il a d’ores et déjà clairement signifié à son entourage qu’il comptait sur ce deal avec l’Empire du Milieu pour propulser Wall Street vers de nouveaux sommets.
Et Donald Trump de considérer que la hausse éternelle de la Bourse de New York lui vaudra un nouveau succès politique en 2020, étant entendu qu’il ne se passe pas un jour – depuis son investiture – durant lequel il n’agit pas comme s’il faisait campagne pour sa réélection.
Il ne le fait pas pour le peuple américain, qu’il endette à un rythme sans précédent, mais pour le 1% de la population qui détient 80% des actifs financiers et dont plus d’un tiers de la fortune boursière s’est effectivement matérialisée depuis la mi-novembre 2016.
Qui n’aurait pas envie que cette pluie de centaines de milliards de dollars irrigue Wall Street jusqu’en 2025, nonobstant sa provenance ?