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De GameStop au Pigeoncoin, la bêtise abyssale des investisseurs

Publié le 09/02/2021 08:51
Mis à jour le 09/07/2023 12:32
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Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr

La nouvelle salve de records à Wall Street ne pouvait échapper à Philippe Béchade, tout comme les invraisemblables envolées de GameStop et du Dogecoin, deux actifs désespérément ordinaires. Assisterions-nous à une nouvelle version de la catastrophe des « dot.com », avec la complicité de banques centrales qui inondent les marchés de liquidités ?

Sommes-nous en train de revivre le scénario du double sommet de janvier et février 2020 ? Avant d’examiner les points communs et les dissemblances, commençons par souligner la prépondérance d’un phénomène commun aux débuts de l’année dernière et de 2021 : le syndrome du poisson rouge, ou du chihuahua.

Pour ce second compagnon domestique, le temps d’ouvrir la porte d’entrée, de la faire claquer puis de la rouvrir, et vous avez droit à la même frénésie, aux mêmes démonstrations d’allégresse, jappements, frétillements de la queue et autres pirouettes.

Pour Wall Street, la longue euphorie qui avait cours de janvier 2019 à janvier 2020 fut entretenue par la signature perpétuellement imminente d’un (pseudo) accord commercial de « phase I » entre les Etats-Unis et la Chine. La situation n’est somme toute guère différente depuis plus de six mois, avec en l’occurrence le « relief plan » (le stimulus) de 1 900 Mds$ de l’administration Biden. Vous aurez beau entrebâiller la porte 136 fois, il y aura 136 fois la même euphorie boursière !

Promis, la FED n’y est pour rien !

La présentation du projet date d’avant la mi-juillet 2020, mais c’est le 14 juillet dernier que son périmètre a été étendu de 1 700 à 2 000 Mds$. Ce vaste plan, qui inclut notamment un grand dessein de rénovation et de modernisation des infrastructures, assorti d’une ambitieuse politique de transition énergétique en faveur des technologies vertes, a littéralement « fait l’été » sur la place new-yorkaise, avec un S&P500 qui est passé de 3 150 à 3 580 points du 13 juillet au 1er septembre, avant une rechute dans la zone des 3 250 points lorsque Donald Trump et les Républicains présentèrent un package de relance jugé sous-dimensionné de 900 Mds$.

Le futur président américain a ensuite entamé remontée irrésistible dans les sondages, et les fameux 1 900 Mds$ sont revenus à la « Une » à chaque meeting, encore et encore. Idem après les élections, puis en amont de l’investiture de Joe Biden, puis le jour de son investiture, puis le jour de la confirmation de Janet Yellen par le Congrès, laquelle sera chargée de mettre en oeuvre le plan tant attendu.

Plus tard, après le hoquet spéculatif GameStop de la fin janvier, qui ressemblait un peu au stade ultime de dislocation de la capacité d’un marché à fixer la valeur d’un actif, du fait de la surliquidité, Wall Street s’est empressé de gober l’alibi de la FED dont, promis juré, la politique monétaire n’est pas en cause.

En effet, les bulles boursières résultent des mauvaises pratiques de certains intervenants et de manipulations de cours qu’il appartient aux régulateurs d’éradiquer. Les appels de marge à géométrie variable et les restrictions de trading ciblant les particuliers (mais pas les « vrais » professionnels) sont là pour ça… et si cela ne suffit pas, la justice saura s’occuper des petits malins !

Un inquiétant tir groupé

Janet Yellen et Elisabeth Warren ont promis que le patron de la SEC, le gendarme boursier américain, allait renvoyer les Robinhood au fond des bois et l’indice élargi américain a pu reprendre son ascension vers les sommets (+0,4% vendredi vers 3 890 points, soit une hausse de 4,65% sur la semaine et de 78,5% depuis le plancher du 18 mars 2020). Mieux : le S&P500 n’a pas effectué l’ascension tout seul (ni sans l’oxygène de la FED) puisque c’est une cordée de cinq indices qui ont déployé le drapeau « record » sur le toit du monde boursier, le point culminant d’un Himalaya de dettes.

Dans le détail, les scores zénithaux de vendredi dernier s’établissent à respectivement 13 878 points pour le Nasdaq, 2 233 points pour le Russell 2000, 15 088 points pour le NYSE Composite et 41 120 points pour le Dow Jones « UTSMI ». Quant au Dow Jones, qui gravitait dans la région des 31 150 points, il a manqué un record de clôture pour une quarantaine de points.

Ce tir groupé ressemble fortement à ce qui s’était produit en février 2020, mais avec une légère avance dans le calendrier par rapport à l’année dernière. Les indices américains avaient en effet culminé une première fois le 8 janvier 2021 alors qu’en 2020, c’était le 17, et ils pourraient renouveler l’exploit ce lundi 8, c’est-à-dire avec 11 jours d’avance sur le 19 février 2020.

Le 14 février 2020, la France enregistrait son premier décès imputé au Covid-19, quinze jours avant les Etats-Unis. Deux semaines, c’est également le temps qu’a mis la FED pour prendre définitivement le contrôle des marchés, avec un abaissement des taux de 1% à zéro le dimanche 15 mars puis l’injection d’une quantité illimitée de liquidités (700Mds$ dans un premier temps, mais aucun plafond de rachat ne fut évoqué). Quant à la BCE, elle a déployé un « bazooka » de 1 850 Mds€ mi-mars 2020 censé servir jusqu’en mars prochain, mais comme la reprise de 7% ne sera pas au rendez-vous cette année (Christine Lagarde évoque plus prudemment +3,8%, et certainement beaucoup moins si les nouveaux variants continuent de prospérer), la grande lance à liquidé de la banque centrale restera déployée jusqu’en mars 2022, et il ne faut pas exclure un prolongement, ni un accroissement du débit si la pandémie devait continuer.

Aussi bête qu’il y a 20 ans

Le summum de la malice est investi dans une crypto-farce dénommée « Dogecoin », un jeton qui valait à peine quelques millième de dollars (4 millièmes le 30 décembre, avec un volume d’échange quotidien presque nul) et qui affiche désormais 8 cents et 10 Mds$ de capitalisation, soit une multiplication par 20, simplement parce qu’Elon Musk a Twitté qu’il adorait cette obscure cryptodevise.

Un gag au même titre que le Ponzicoin, le Ganjacoin, le Cthulhucoin (pour les fans de Lovecraft), le Ghostcoin (le jeton fantôme) ou encore le Pigeoncoin (PGN) qui capitalise environ 2 M$, un peu comme le Dogecoin il y a quelque mois.

Il y a 20 ans, vous pouviez introduire en bourse des Ponzi.com, Ghostbusiness.com et autres Pigeon.com et récolter des millions de dollar. Le plus dur, c’était de trouver un nom qui « claque »…

Aujourd’hui, la flambée du Dogecoin nous renvoie certainement la notion de cynisme et à la démonstration d’à quel point certains fans d’Elon Musk peuvent être bêtes.

Finalement, en deux décennies, la seule chose qui a changé, c’est la quantité de liquidités… Et le niveau de déni – ou de mauvaise foi assumée – des banques centrales !

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