Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
La Bourse américaine marche (presque) sur l’eau depuis lundi dernier et même deux semaines. Les grosses mains achètent tout, mais aussi n’importe quoi, souligne Philippe Béchade dans cette analyse.
Les « algos » ont tenté le passage en force des 29 550 points sur le Dow Jones (meilleure clôture historique du 12 février) dans la nuit de dimanche à lundi, mais il faudra attendre la conclusion de cette séance du 16 novembre pour déterminer si les grosses mains qui vendent massivement depuis lundi dernier vont ou non faire une pause… Une opportunité de s’alléger beaucoup plus haut encore pourrait en effet se dessiner si d’aventure le S&P500 franchissait les 3 650 points.
Or, ce cas de figure paraît tout à fait envisageable pour peu que le marché continue à se complaire dans le narratif d’un Covid-19 qui sera bientôt vaincu puis éradiqué d’ici l’été 2021.
Après le vaccin Pfizer (NYSE:PFE) à conserver puis à délivrer aux pharmacies à -70 degrés celsius (ce qui suppose le déploiement considérable d’infrastructures à créer de toutes pièces et qui coûteraient des centaines de millions), il faut probablement s’attendre à l’annonce du développement d’un vaccin à conserver à – 30 degrés (ce que nous savons faire, certes pas encore à l’échelle de centaines de millions de doses) et, plus tard, d’un vaccin à conserver dans un simple réfrigérateur domestique, comme celui de la grippe (toutes les pharmacies en possèdent un).
Bref, il y encore de la place pour des « cadeaux » à distiller chaque lundi d’ici Thanksgiving (les 26 et 27 novembre), sinon la veille de Noël.
Wall Street semblait en tout cas déjà se préparer vendredi dernier à une « bonne nouvelle » pour ce lundi, les trois principaux indices ayant tous effacé leur pertes de la veille, le S&P500 s’offrant même un record historique de clôture à 3 585 points. Plus largement, il est assez troublant de voir les indices américains caler juste sous leurs records annuels compte tenu de volumes à l’achat deux fois plus étoffés que fin février et fin août.
Un blitzkrieg algorithmique ?
Mais cela ne doit peut-être rien au hasard et la séance du lundi 9 pourrait n’être finalement qu’un « blitzkrieg algorithmique » (annonce de Pfizer surjouée à la hausse, sans aucune analyse ni questionnement sur l’efficacité du vaccin, ni sur la vente de ses titres par le PDG à un cent du plus haut depuis plus d’un an) et constituer une nouvelle étape. Toujours est-il que depuis cette date, après avoir payé – seules face au marché – et malgré un résultat des présidentielles très éloigné du scénario prophétisé par les instituts de sondage, ces mêmes grosses mains déversent des centaines de milliards à Wall Street (arrêté net sur ses plus hauts absolus).
A contrario, à Paris, 22 Mds€ de ventes ont été enregistrées depuis lundi 13h15 alors que « tout le monde paye » et qu’il n’y a plus que des acheteurs, aussi bien les suiveurs systématiques que les ETF et les gestions indicielles, les gérants « value » et la clientèle « retail » convertie au « trend following ».
On rappellera tout de même que le CAC40 est passé de 5 000 à 5 350 points lundi dernier en l’espace d’une demi-heure, avec 1,5 Md€ échangés, et qu’il n’a ensuite gagné que 50 points de plus avec 6 Mds€ négociés de 13h30 à 17h35… Par la suite, l’indice phare de la Bourse de Paris a encore pris 50 points mardi (8,3 Mds€ échangés), puis plus rien ni mercredi (4 Mds€ échangés), ni jeudi (3 Mds€ échangés), et un modeste gain de 0,33% vendredi (3,6 Mds€ négociés).
Des grosses mains inarrêtables
On pourrait tenter de rationaliser le plafonnement des indices eu égard à des records en cas de nouveaux cas quotidiens de contamination au Covid-19 aux Etats-Unis (au-delà de 135 000 désormais), au net recul du moral des consommateurs américains (l’indice de confiance de l’Université du Michigan a dévissé de 4,8 points à 77 points en estimation préliminaire) ou encore à l’annonce de premières mesures de reconfinement dans de grandes métropoles comme Chicago. Cependant, cette version ne tient pas la route pour la simple raison que quelques « grosses mains » payent benoîtement depuis quinze jours, peu importe le résultat incertain de la présidentielle et la bataille juridique qui s’engage, les reconfinements en Europe, la dégradation des conditions sanitaires aux Etats-Unis et le risque de récession au quatrième trimestre, voire au premier trimestre 2021.
Rien de ce qui est rappelé ci-dessus ne les arrête et maintenant qu’un (ou plusieurs) vaccins va nous sauver, les voilà qui vendent face à la multitude des opérateurs qui propulsent la capitalisation de Wall Street au-delà de 173% du PIB américain.