Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Il y avait de bonnes raisons de croire que le feuilleton de la guerre commerciale, rebaptisé dernièrement « on va signer incessamment avec les Chinois », n’avait que valeur de prétexte pour la succession de records absolus des indices américains depuis le 20 octobre. Nous en avons la confirmation avec l’absence de consolidation à la suite d’une information de Reuters selon laquelle la rencontre prévue mi-novembre entre Donald Trump et Xi Jinping pourrait être reportée à la fin de l’année, dans un lieu qui reste à déterminer par les deux parties.
Selon toute probabilité, Pékin et Washington auraient convenu de prolonger d’un bon mois les discussions sur les termes de l’accord commercial de « phase I », ce qui ébranle la thèse d’une signature imminente.
A noter que l’information relayée par Reuters émane d’un haut responsable de l’administration Trump. Elle est donc suffisamment crédible pour que Wall Street réalise que le président américain et ses séides mènent les investisseurs en bateau et jouent la comédie, sachant que l’Empire du Milieu ne signera rien tant que la Maison-Blanche n’aura pas supprimé les droits de douane déjà appliqués sur plus de 100 Mds$ d’importations chinoises en vigueur depuis le mois de septembre.
Se faisant en quelque sorte le porte-parole de Xi Jinping et de ses plus proches négociateurs, le quotidien South China Morning Post a de son côté rapporté que Washington devait « prendre des engagements plus fermes en matière de réduction des tarifs » pour qu’une délégation commerciale chinoise puisse signer l’accord aux États-Unis.
On est donc loin du happy end sur lequel s’appuyaient – et s’appuient encore – les opérateurs pour justifier des achats qui leur sont d’abord dictés par la mécanique des flux que les banques centrales viennent de relancer, dans des proportions qui font penser à une opération de sauvetage de grande ampleur des indices boursiers.
La déconnexion du monde réel se confirme
Et si Wall Street ne veut apparemment rien lâcher, c’est d’abord parce que les « algos » veillent au grain, avec une intransigeance et une précision qui forcent le respect. Le Dow Jones a ainsi terminé la séance d’hier strictement inchangé à 27 492 points, le S&P500 ayant quant à lui grappillé 0,07%.
Les investisseurs pourront toujours invoquer les propos de Charles Evans, le très « colombe » président de la FED de Chicago, qui a déclaré que l’économie américaine était dans une « bonne position », ce que les dernières statistiques de croissance et de confiance des ménages confirment. Mais qui a également ajouté que « la Réserve fédérale pourrait être obligée de réagir en cas de choc négatif sur la croissance », ce qui laisse la porte ouverte à une nouvelle baisse de taux d’ici la mi-décembre ou fin janvier.
Et voilà, on y revient systématiquement : la Bourse de New York reste totalement « accro » aux injections de la FED, quel que soit la dénomination technique qu’on leur donne… A tel point qu’il n’y a vraiment plus que cela qui compte, comme si le monde réel – qui ralentit encore selon le FMI – était désormais relégué à l’extérieur du bocal, les investisseurs nageant en rond dans leur bulle de liquidités.