Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
C’est le scénario parfait… et même plus que parfait ! Trois records absolus consécutifs lors des trois séances précédant Thanksgiving.
Il ne s’agit toutefois « que » de la poursuite du mouvement initié le 3 octobre dernier… et peut-être aussi le plus spectaculaire épisode d’arrachage indiciel pré-Thanksgiving du XXIème siècle.
Le S&P500, qui a terminé en hausse d’un peu plus de 0,4% à 3 153 points, a ainsi aligné un onzième record absolu pour ce seul mois de novembre… Il en est même à quatorze sur les 4 dernière semaines écoulées et a, au global, engrangé 5%, qui plus est sans jamais avoir reperdu plus de 0,6% en cumulé sur un maximum de trois séances de consolidation.
Bienvenue dans le monde du pur « FOMO » – « fear of missing out » -, dans lequel des gérants complètement dépassés par les événements et qui n’ont jamais cru raisonnable de « payer » des marchés déjà surachetés avec une performance annuelle miraculeuse de +20% vous expliquent désormais qu’après avoir franchi la barre des +30%, l’horizon s’éclaire soudain et qu’il y a 10 à 15% à gagner au cours des six prochains mois.
Cette fin d’année s’annonce donc très positive, d’autant que les mois de décembre sont gagnants dans 90% des cas, avec un « retour sur investissement » de 2% en moyenne. Tout porte à croire que ce sera beaucoup plus cette année, étant donné le caractère extrêmement puissant (voire surréaliste) de la dynamique haussière enregistrée ces deux derniers mois. En l’état, quoi qu’il en soit, aucun signe d’essoufflement n’est perceptible, rien qui puisse laisser transparaître le début du prélude d’un commencement de consolidation, et tant pis si personne ou presque ne s’interroge sur le comment et le pourquoi d’un scénario « technique » aussi parfait.
Bref, 2019 est, à ce stade, une année anthologique, avec un cas de figure absolument inédit : une hausse à deux chiffres des indices boursiers malgré un ralentissement de la croissance.
Les « permabulls » ont réponse à tout
La raison a disparu, mais les « permabulls » ont trouvé la parade : Les profits stagnent ou se dégradent en 2019 ? « Oui, ça ralentit… mais moins sévèrement que prévu ».
Et si tout continue à se dégrader l’an prochain ? Cette fois encore, aucun problème : « la FED poursuivra son cycle de baisse des taux, de telle sorte que la prime de risque en faveur des actions augmentera plus vite que la contraction des profits. »
Donc, plus ça ira mal, plus les Bourses auront de bonnes chances de monter… ce qui devrait de toute façon se produire en 2020, sachant que Wall Street progresse (presque) toujours au cours des dix premiers mois d’une année d’élection présidentielle aux Etats-Unis.
L’argument le plus « définitif » demeure néanmoins qu’un cycle de hausse des marchés naît dans la déprime, se confirme dans le doute (le fameux « wall of worry »), s’épanouit dans la confiance et meurt dans l’euphorie.
En supposant que, nous n’en serions encore, au bout de dix ans, que dans la phase du « doute » tant on rencontre de scepticisme chez les gérants. Même si certains, bien obligés de constater l’invulnérabilité des marchés, commencent à prendre confiance (ce qui se traduit par le fameux « il y a encore 10 à 15% à gagner »)…
C’est cependant une évidence pour 95% des professionnels : il n’y a d’euphorie nulle part et donc un véritable boulevard pour s’en aller chercher les 30 000 points sur le Dow Jones et les 10 000 points sur le Nasdaq d’ici fin janvier si le mouvement amorcé mi-août se prolonge. Car après le quasi-inévitable « rally de fin d’année », Wall Street bénéficiera dans la foulée de « l’effet janvier », selon une savoureuse combinaison mêlant achats techniques (début d’année fiscale), rotation sectorielle (dans les portefeuilles), réinvestissements des compléments de dividendes versés en décembre et distribution de bonus (qui vont être énormes dans le secteur financier vu les performances de 2019).
De son côté, le CAC40 peut viser les 7 500 points (et le CAC « GR » les 20 000 points) d’ici mars prochain. Ce qui impliquerait que les 11 derniers mois de hausse – sous la bienveillante supervision des banques centrales – n’aient été qu’un hors-d’œuvre et que l’indice de référence à Paris, tout comme l’Euro-Stoxx50, soit parti pour 11 nouveaux mois de hausse supplémentaires et des gains d’une ampleur vertigineuse avant que le stade de l’euphorie soit atteint.
Voilà, je viens de décrire très précisément le genre de mécanisme psychologique « rationalisant » qui prospère à mesure que les performances du marché deviennent de plus en plus irrationnelles, mais tellement peu « euphoriques ».
Alors que les actionnaires américains succomberont aux délices des soldes vendredi, jugeant que -50%, c’est le minimum pour qu’un achat soit considéré comme une bonne affaire, ceux qui travailleront à Wall Street jureront quant à eux leurs grands dieux à leurs clients qu’acheter le S&P500 au double de sa valeur d’octobre 2007 est une bien meilleure affaire encore !