par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - François Hollande a mis lundi la pression sur les partenaires sociaux, qui ne sont pas parvenus la semaine dernière à un accord sur la modernisation du dialogue social, sur laquelle le chef de l'Etat mise pour réformer le pays.
Les huit organisations patronales et syndicales engagées dans cette négociation se retrouveront jeudi matin au siège du Medef pour une session de la dernière chance.
"Un échec aurait des conséquences qui iraient bien au-delà de cette seule réforme", a dit le chef de l'Etat lors de ses voeux aux acteurs de l'entreprise et de l'emploi. "Parce que comment poursuivre le dialogue social si sur son organisation-même il ne serait pas possible d'aboutir à un accord ?"
Le chef de l'Etat a aussi averti patronat et syndicats qu'il ne fallait pas compter sur les législateurs pour traduire les voeux des uns et des autres et résoudre ce que les partenaires sociaux n'auraient pas été capables de régler eux mêmes.
Il a joué sur la corde sensible en se référant à l'élan d'unité nationale suscité par les attentats qui ont fait 17 morts et fait descendre dans la rue des millions de Français.
"Dans ces circonstances où la démocratie politique a montré un sens élevé de ses devoirs et de son unité, la démocratie sociale est un élément majeur de notre cohésion nationale", a fait valoir François Hollande.
Sous ses dehors techniques et rébarbatifs, la négociation en cours pourrait, si elle aboutit, mener à un big bang du dialogue social dans les entreprises, sur lequel le gouvernement compte pour améliorer la fluidité du marché du travail, notamment en allégeant les contraintes liées à la taille des sociétés.
Medef et Union professionnelle artisanale (UPA) proposent, pour celles d'au moins 11 salariés, de fusionner au sein d'un conseil d'entreprise les instances représentatives du personnel (IRP) existantes, dont certaines remontent au Front populaire ou au lendemain de la seconde guerre mondiale.
CONFÉRENCES THÉMATIQUES
Cette instance unique reprendrait l'intégralité des missions et prérogatives des délégués du personnel, comités d'entreprise et comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), tout en sanctuarisant le rôle des délégués syndicaux.
Cette réforme se traduirait par une réduction draconienne des réunions de consultation et d'information dans ces sociétés et par une diminution du nombre de représentants du personnel et des heures de délégation octroyées à ces salariés.
Le Medef propose aussi, dans le projet d'accord qu'il a soumis vendredi aux autres organisations, de rendre systématique la possibilité de déroger à la loi par un accord d'entreprise.
Il a fait une concession en acceptant une forme de représentation du personnel des très petites entreprises (TPE) de moins de 11 salariés, malgré de fortes résistances en son sein et l'opposition catégorique de la CGPME.
Medef, UPA, CFDT, CFTC et CFE-CGC semblaient vendredi s'acheminer vers un compromis, sans la CGT et Force ouvrière côté syndical, ni la CGPME côté patronal.
Mais ces cinq organisations ne sont pas parvenues à faire sauter les derniers "points durs", malgré une ultime nuit de négociation qui s'est achevée samedi à l'aube.
CFDT, CFTC et CFE-CGC jugent insuffisantes les garanties apportées concernant les droits des salariés et les missions et moyens du futur conseil d'entreprise. Les négociateurs du Medef estiment pour leur part être arrivés à la limite de leur mandat.
François Hollande a réaffirmé lundi que le dialogue social, qui a permis depuis 2012 la conclusion de plusieurs accords nationaux interprofessionnels retranscrits dans la loi, était la méthode qu'il avait choisie pour réformer le pays.
"Je suis néanmoins conscient que les formes du dialogue social doivent évoluer", a ajouté le chef de l'Etat, pour qui il est nécessaire de revoir le principe de grandes conférences sociales annuelles traitant de tous les sujets.
"Plutôt qu'une grande réunion une fois par an, qui définit une feuille de route générale, mieux vaudrait fixer plusieurs rendez-vous sur des thèmes précis, avec des préparations plus longues, des échanges plus directs et des décisions plus rapides", a-t-il déclaré. "J'en fais ici la proposition."
(Edité par Yves Clarisse)