L'OCDE a prévenu jeudi que restaurer la croissance en France serait"délicat" et ne se ferait qu'au prix de réformes, un avis de nature à refroidir les ardeurs du gouvernement qui célèbre déjà la reprise.
"La part des dépenses publiques dans le Produit intérieur brut (PIB) doit inévitablement être réduite" et le marché du travail "doit être la réforme structurelle prioritaire" pour corriger un "important problème de compétitivité" de la France, estime l'Organisation de coopération et de développement économique dans une étude détaillée publiée jeudi.
L'organisation, qui procède à ce type d'examen approfondi tous les deux ans, évalue la croissance de la France à 1,1% cette année, puis 1,7% en 2016, et prévient que "les perspectives économiques sont encore trop fragiles pour permetre d'envisager une baisse significative du taux de chômage".
L'OCDE douche ainsi les espoirs du gouvernement et en particulier du Premier ministre Manuel Valls, qui a dit "espérer" dès cette année une croissance de 1,5%, soit le niveau jugé nécessaire pour faire refluer le chômage.
Plus prudent, le ministre des Finances Michel Sapin a assuré jeudi que la prévision de croissance officielle de 1% cette année était "un minimum". Il refuse toutefois de la modifier pour l'instant.
L'OCDE, organisation regroupant 34 Etats auxquels elle délivre régulièrement des conseils sur des sujets divers, juge par ailleurs que les "aléas concernant la croissance à court terme sont pour la plupart négatifs", en clair qu'une mauvaise surprise conjoncturelle est plus probable qu'une bonne.
Sur le marché du travail, l'OCDE estime que les réformes déjà engagées sont "dignes d'éloges" mais que leur impact demeure "limité".
Elle recommande à la France de s'attaquer au "dualisme" du marché du travail, partagé entre CDI (contrats à durée indéterminée) et CDD (contrats à durée déterminée). Pour l'OCDE, il faudrait "simplifier et raccourcir les procédures de licenciement" mais dans le même temps assurer "une bonne protection des revenus entre deux emplois".
Autre piste à explorer, selon elle: le contrat de travail unique, une réforme qui a les faveurs du patronat et d'un certain nombre d'économistes libéraux.
Ces recommandations ne devraient pas passer inaperçues, alors que le flou demeure sur les intentions du gouvernement en la matière.
- Diminuer "les coûts de main d'oeuvre" -
La piste d'une grande réforme du CDI, une perspective à laquelle les syndicats sont franchement hostiles, est récemment revenue sur le tapis en France, même si M. Valls a assuré qu'il n'était pas question de "remise en cause" ce contrat.
Le verdict devrait tomber en juin, à l'occasion d'une conférence gouvernement-patronat-syndicats dédiée à l'emploi dans les petites et moyennes entreprises (PME).
L'OCDE appelle également à diminuer les "coûts de main d'oeuvre prélevés sous forme d'impôts et de cotisations sociales", ainsi qu'à éviter les "augmentations discrétionnaires du salaire minimum".
L'organisation, qui siège dans un quartier huppé de Paris, est également favorable à une réforme de l'assurance-chômage, à la fois dans la durée des allocations et dans leur "conditionnalité à la recherche active d'un emploi ou d'une formation".
Elle plaide aussi pour une "réduction plus ambitieuse (...) à moyen terme" des dépenses publiques. L'OCDE juge en effet que le niveau de la dette publique française, en pourcentage du PIB, qui s'approche de 100%, n'est "pas encore stabilisé", et qu'il reste à la merci d'une remontée des taux d'intérêt, actuellement historiquement bas.
De manière générale, l'OCDE juge que l'activité économique en France bénéficierait d'une "simplification à grande échelle", allant du code du travail à la fiscalité, en passant par les administrations territoriales.