par Aaron Josefczyk et Kim Palmer
CLEVELAND, Ohio (Reuters) - Un policier blanc de Cleveland qui était jugé pour la mort de deux Noirs non armés lors d'une course poursuite remontant à 2012 a été acquitté samedi, ce qui a donné lieu à des incidents et des mouvements de protestation dans cette grande ville de l'Ohio.
Plus de 20 personnes ont été interpellées, a indiqué une porte-parole de la police.
Le magistrat John O'Donnell a estimé que le policier Michael Brelo, âgé de 31 ans, avait agi de manière raisonnable en tirant de nombreux coups de feu sur les deux suspects noirs, à travers le pare-brise, alors qu'il se tenait sur le capot de leur voiture à l'arrêt et pouvait penser alors que les occupants tiraient sur lui et sur les autres agents.
"Brelo a agi dans des conditions difficiles à imaginer même pour des agents expérimentés", a estimé le juge O'Donnell lors de la lecture du verdict.
La poursuite avait commencé dans le centre de Cleveland après que des coups de feu censés provenir de la voiture des deux Noirs eurent été signalés. Elle avait continué ensuite dans plusieurs villes, à une vitesse atteignant parfois 145 km/h.
Au total, 13 policiers de Cleveland ont tiré 137 balles.
Les deux occupants noirs de la voiture, Malissa Williams et Timothy Russell, ont été tués dans ces tirs. Russell a reçu 24 balles et Malissa Williams 23. Aucune arme n'a été retrouvée à bord de leur véhicule pas plus que le long du parcours de la course poursuite.
Peu après le prononcé du verdict, un petit groupe de manifestants est descendu dans les rues de Cleveland, scandant "Pas de justice, pas de paix!", tandis que des policiers en tenue anti-émeutes patrouillaient. Les manifestants se sont ensuite faits plus nombreux et plus agités.
La police a signalé sur Twitter un incident mettant en cause un groupe important de personnes aspergeant de gaz poivre d'autres personnes.
Dans un restaurant, un client a été blessé par un objet lancé à travers la vitre, ce qui a conduit à l'arrestation d'au moins trois personnes.
"NOS VIES N'ONT PAS DE VALEUR"
Sur les réseaux sociaux, nombre d'internautes se disaient atterrés par le verdict.
Le maire de Cleveland, Frank Jackson, a déclaré espérer que sa ville ne basculerait pas dans la violence après le verdict.
Marcia Fudge, députée démocrate de l'Ohio à la Chambre des représentants a qualifié la décision d'"échec stupéfiant sur la voie de la justice".
"Ce verdict est une nouvelle illustration glaçante de la relation cassée entre la police de Cleveland et les administrés dont elle assure le service", a ajouté Marcia Fudge, qui est noire. "On nous a dit une nouvelle fois aujourd'hui que nos vies n'ont pas de valeur."
"Les actes qui franchiront la ligne rouge, qu'ils émanent de la police ou de civils, ne peuvent être tolérés et ne seront pas tolérés", a-t-il dit.
Le département de la justice et sa division des libertés publiques et le FBI (police judiciaire fédérale) ont dit être en train de passer en revue les témoignages et les preuves présentés lors du procès pour déterminer si une action s'impose au niveau fédéral.
Le procès de Michael Brelo, ouvert le 6 avril, s'est déroulé dans un contexte tendu par d'autres affaires de ce genre aux Etats-Unis. Il s'est tenu d'autre part quelques mois après la publication, en décembre dernier, d'un rapport du département de la Justice concluant que la police de Cleveland faisait systématiquement un usage excessif de la force contre des civils.
Juste avant la publication de ce rapport, un policier de Cleveland a tué Tamir Rice, un garçon de 12 ans, qui était en possession de ce qui s'est révélé être une arme factice qui tire des petites billes de plastique. L'affaire fait l'objet d'une enquête.
Cinq supérieurs de Michael Brelo ont été inculpés dans cette affaire et doivent passer en procès en juillet. Des dizaines d'agents se sont vu en outre infliger des sanctions disciplinaires et la municipalité de Cleveland a versé à la famille de chaque victime la somme de 1,5 million de dollars de dédommagements.
(Eric Faye et Danielle Rouquié pour le service français)