BANGUI (Reuters) - Le pape François s'est rendu lundi dans un quartier à haut risque de Bangui pour prier chrétiens et musulmans d'enrayer le cycle des violences qui a fait plusieurs milliers de morts ces trois dernières années.
Sous l'oeil attentif des casques bleus déployés en nombre, le souverain pontife a franchi le "no man's land" qui sépare PK5 du reste de la capitale centrafricaine. Depuis deux mois, les miliciens chrétiens "anti-balaka" font le blocus de ce quartier où sont rassemblés la plupart des musulmans qui n'ont pas fui la ville.
Des blindés équipés de mitrailleuses et des tireurs d'élites étaient postés le long du trajet du pape et sur les minarets de la mosquée fraîchement repeinte en vert et blanc, où plusieurs centaines de fidèles étaient rassemblés pour l'occasion.
"Chrétiens et musulmans sont frères et soeurs", leur a-t-il lancé après un discours de l'imam Tidiani Moussa Naibi. "Ceux qui prétendent croire en Dieu doivent aussi être des hommes et des femmes de paix", a souligné François, appelant à la "cessation de tous les actes, quels qu'en soient les auteurs, qui défigurent Dieu et dont l'objectif ultime est de défendre des intérêts particuliers par tous les moyens".
La République centrafricaine a sombré dans le chaos en mars 2013 lorsque les rebelles musulmans de la Séléka ont pris le pouvoir. Leurs exactions leur ont ensuite valu les représailles des milices chrétiennes anti-Balaka et l'armée française a dû intervenir dans le cadre de l'opération Sangaris pour mettre fin aux massacres.
"DIEU EST PAIX, SALAM"
L'apaisement des tensions entre chrétiens et musulmans a été l'un des principaux objectifs de la première visite du souverain pontife sur le continent africain, qui l'a d'abord conduit au Kenya puis en Ouganda.
Mais c'est en République centrafricaine que ses efforts en faveur de la paix et de la réconciliation sont le plus d'actualité, car les violences y ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés depuis 2013.
"Ensemble, nous devons dire non à la haine, à la vengeance et à la violence, en particulier cette violence perpétrée au nom de la religion et de Dieu lui-même. Dieu est paix, salam", a ajoute François.
Les assassinats et les représailles dans et aux abords de PK5, l'une des zones les plus dangereuses de Bangui, ont fait au moins 100 morts depuis la fin septembre, selon l'ONG Human Rights Watch.
"Nous vivons dans une prison à ciel ouvert", déplorait récemment l'imam du quartier, qui s'est montré plus optimiste lundi.
"La relation avec nos frères et soeurs chrétiens est tellement profonde qu'aucune tentative visant à la faire dérailler ne pourra aboutir", a-t-il assuré. "Les chrétiens et les musulmans de ce pays sont obligés de vivre ensemble et de s'aimer les uns les autres".
La communauté chrétienne, majoritaire en Centrafrique, comme la communauté musulmane se félicitent de la visite du pape et espèrent qu'elle permettra de relancer le dialogue et contribuera au retour de la paix.
Dimanche, François est allé aux devants des quelque 4.000 réfugiés installés dans un camp de Bangui, chassés de chez eux, pour la plupart, par des musulmans en armes. Un peu plus tôt, à sa descente d'avion, il avait été conduit au palais présidentiel où il s'était entretenu avec la présidente par intérim, Catherine Samba-Panza, et avait appelé à "l'unité dans la diversité". Il a d'autre part célébré la messe dans la cathédrale Notre-Dame de Bangui, là même où des miliciens musulmans avaient tué 15 personnes dans une attaque en mai 2014.
(Joe Bavier; Eric Faye et Jean-Philippe Lefief pour le service français)