Plusieurs dirigeants italiens et européens se sont voulus rassurants mercredi sur la situation bancaire en Italie, où les valeurs des établissements financiers s'effondrent depuis le début de la semaine à la Bourse de Milan.
"Je ne vois pas le risque d'une crise bancaire majeure" en Italie, a ainsi affirmé le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker lors d'une conférence de presse au Parlement européen à Strasbourg.
Depuis le début de la semaine, plusieurs valeurs bancaires italiennes ont subi de fortes baisses, à tel point que la cotation de certains titres a été suspendue.
Les investisseurs s'inquiètent d'un retard dans la consolidation de ce secteur très éclaté et de l'importance des créances douteuses, qui dépassent les 200 milliards d'euros, un chiffre record depuis 20 ans.
Les discussions qui trainent avec la Commission européenne au sujet de la création d'une "bad bank", structure de défaisance chargée de récupérer une partie de ces crédits en souffrance, afin d'apurer les comptes des banques, alimentent la suspicion autour des valeurs bancaires.
Des indiscrétions faisant état d'une demande d'informations au sujet des créances douteuses adressée à certaines banques italiennes par la Banque centrale européenne (BCE) ont ajouté au trouble.
Mais tant le ministre italien des Finances, Pier Carlo Padoan, que la BCE ont affirmé qu'il s'agissait d'une enquête générale, se déroulant dans différents pays de la zone euro, et visant à "identifier les meilleures pratiques dans la gestion des crédits en souffrance".
Dans ce contexte de grande fébrilité, le président italien du Conseil Matteo Renzi a rencontré dans la matinée M. Padoan, ainsi que les gouverneur et directeur général de la Banque d'Italie, Ignazio Visco et Salvatore Rossi.
Les autorités se sont dites convaincues que "les mesures passées et futures prises par le législateur aideront certaines banques dans le processus de consolidation" et "les intermédiaires financiers dans la gestion plus rapide et adéquate des crédits en souffrance", selon des sources proches du chef du gouvernement italien, citées par les médias.
M. Renzi avait assuré le 15 décembre que les banques italiennes étaient aujourd'hui plus solides que les banques allemandes.
- Négociations autour d'une "bad bank" -
D'autres responsables italiens ont jugé "injustifiée" la chute des valeurs bancaires, à l'image du patron de la banque Intesa Sanpaolo (MI:ISP), Carlo Messina: "Les marchés sont en train de surévaluer (sovrappesando) des événements que franchement je ne vois pas", a-t-il dit. "Il y a cette confusion sur les données relatives aux créances douteuses, je ne comprends pas pourquoi nous continuons à communiquer, de façon absolument incompréhensible, sur ces données brutes".
La dégringolade sur la place milanaise touche la quasi-totalité des banques. Etaient ainsi concernées en milieu d'après-midi: Banca Carige (-12,20%, à 0,6835 euro), Banco Popolare (-6,77%, à 9,085 euros), Unicredit (MI:CRDI) (-4,48%, à 3,838 euros) et UBI Banca (-3,61%, à 4,646 euros) notamment.
Mais la chute la plus forte est enregistrée par la BMPS (Monte dei Paschi di Siena), considérée comme la plus vieille banque de la planète.
Le titre de cet établissement, né en 1472, a perdu 18,31% mercredi, entraînant la suspension de sa cotation depuis la mi-journée. Mardi, elle avait déjà clôturé sur une dégringolade de 14,37%, aussi vertigineuse que la veille (-14,76%).
Fin septembre, la BMPS comptait 24,4 milliards d'euros de créances douteuses dans son porte-feuilles.
"La BMPS représente 3 à 4% du système de crédit italien. C'est une situation très circonscrite", a affirmé le commissaire chargé de la réduction des dépenses publiques, Yoram Gutgeld, un proche conseiller de Matteo Renzi. Et d'ajouter: "Le système bancaire italien est très solide".
Concernant la "bad bank", il a indiqué que les positions entre la Commission européenne et l'Italie "étaient en train de se rapprocher".
De source proche du ministère des Finances, M. Padoan a remis la semaine passée à la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, la dernière proposition italienne à ce sujet, après des mois de négociations infructueuses, en raison des difficultés liées aux règles européennes sur les aides d'Etat.
A Bruxelles, Mme Vestager a affirmé de son côté que "la commission était dans un dialogue constructif avec les autorités italiennes". "Nous faisons de notre mieux pour que chacun soit traité de la même façon", a-t-elle ajouté.
Afin de calmer les marchés, le président de l'Association bancaire italienne (Abi), Antonio Patuelli, a appelé Rome et Bruxelles à trouver un accord "au plus vite".