Les éleveurs de porcs en difficulté se battent pour que l'étiquetage de leur "Viande de France" soit rendu obligatoire sur les jambons et saucissons fabriqués en France. Mais le décret imminent que le ministre de l'Agriculture leur promet restera vain face aux règlements européens.
Confrontés à l’effondrement des cours (à peine plus d'un euro le kilo) et aux risques de faillite, les éleveurs porcins, en particulier dans l'ouest, se mobilisent mercredi "pour crier leur détresse" et réclamer l'aide du gouvernement.
Les mesures financières annoncées mardi par Stéphane Le Foll, une rallonge de 125 millions aux 700 millions du plan de soutien à l'élevage (toutes filières confondues), étaient nécessaires mais insuffisantes, jugent-ils. Les producteurs veulent voir leur travail reconnu et contraindre notamment les industriels de la charcuterie et des plats préparés à annoncer la couleur, tricolore de préférence, face aux importations massives de cochons allemands ou espagnols produits à moindre coût.
Le ministre, qui privilégie la démarche volontaire et en appelle au bon sens patriotique des transformateurs, a donc promis un "projet de décret en Conseil d'État pour étendre l'étiquetage de l'origine aux produits transformés".
Suite au scandale des lasagnes et des raviolis au cheval en 2013, à base de viandes au passeport douteux, la France avait bataillé à Bruxelles pour cette mesure, finalement entrée en vigueur pour les seules viandes fraiches le 1er avril 2015. Les plats transformés en revanche en sont exclus, malgré un vote favorable du Parlement européen. Et encore, la notion de "transformation" s'entend a minima avait pointé l'association de défense du consommateur, UFC-Que Choisir, "puisqu'elle peut s'appliquer à un carpaccio" - 100% viande plus un filet d'huile" soulignait-elle.
- Surabondance de l'offre -
C'est ainsi que les charcuteries et plats préparés se gardent d'afficher leur identité et lors des mouvements de colère l'été dernier sur les routes de France, des camions de porcs en provenance de pays voisins avaient été interceptés aux portes des usines par des éleveurs malades de rage de voir des industriels français s'approvisionner sous leur nez chez leurs concurrents européens...
La FNSEA, le puissant syndicat agricole, continue donc de réclamer un certificat d'origine, qui permettrait de structurer le marché estime-t-elle: "Qu'est ce qu'on attend pour monter au créneau", déclarait encore mardi à l'AFP son président, Xavier Beulin.
Sans cacher ses doutes sur l'issue d'une telle démarche, M. Le Foll a confirmé mercredi sur RMC : "Je vais prendre un décret et envoyer une notification à l'Europe. Et je vais emmener les professionnels à Bruxelles qui pensent qu'il suffit de le demander pour l'obtenir". Avant de rappeler que pour "renégocier une directive européenne, il faut compter un an, un an et demi".
Autre souci, pointé par le ministre, les Allemands, dans le viseur des éleveurs hexagonaux entendent par "origine" le lieu d'abattage, parce qu'ils achètent massivement leurs porcelets à l'extérieur pour les engraisser. "Alors qu'en France nous sommes naisseurs, engraisseurs, abatteurs", insiste-t-il.
Pour autant, s'est-il interrogé, "vous pensez vraiment que l'étiquetage des viandes va régler la crise porcine? Qu'on vienne m'expliquer comment ça va faire remonter les prix". La crise, a-t-il rappelé, est européenne, liée à une surabondance de l'offre dans un contexte d'embargo russe.