Réduction à venir d'un quart des effectifs, plus de 70 journalistes menacés: La Voix du Nord, un des fleurons de la presse quotidienne régionale avec plus de 200.000 exemplaires par jour, se dirige vers un plan social qui surprend par son ampleur.
"On est en état de choc, on se disait depuis toujours qu'on s'en sortait moins mal que les autres, alors là il y a une forme de brutalité", explique un journaliste de la "VDN".
Selon une source proche du dossier, le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) en gestation devrait concerner "178 personnes pour l'ensemble de l'entreprise sur un total de 710 et 72 pour la rédaction sur un total de 343 journalistes".
Le PDG de La Voix du Nord, Michel Nozière, a seulement confirmé la convocation d'un comité d'entreprise le 10 janvier. "La loi prévoit qu'on ne puisse pas communiquer dans l'attente et le respect d'une communication prioritaire aux salariés parce que sinon il y a un délit d'entrave", a-t-il dit à l'AFP.
Au siège du journal, des salariés font part de leur stupeur.
"Il y avait des rumeurs de couloir depuis quatre, cinq mois", témoigne un cadre administratif quinquagénaire. "Forcément quand on a plus de 55 ans, on peut s'attendre à être concerné… Je verrai si je suis volontaire (pour partir), ça dépend des conditions. Moi ça va faire 35 ans que je travaille ici, et c'est une entreprise à laquelle on s'attache", confie-t-il.
Un journaliste d'une quarantaine d'années est aussi surpris par l'ampleur des effectifs menacés, "parce que ça ne va pas si mal", dit-il. "Le projet ne va pas forcément dans le bon sens: le papier représente 90% de nos ressources, donc recentrer sur le web est une stratégie à discuter. L'un et l'autre doivent s'autoalimenter, c'est le principe du bimédia".
- Diffusion en baisse -
Le plan social serait la conséquence de la baisse de la diffusion et de la publicité, ainsi que de "l'insuffisance du chiffre d'affaires sur internet", selon une source proche du dossier. Il entraînerait un passage de 24 à 20 éditions et un recentrage vers le numérique, avec un plan de départs volontaires.
"Le plan en soi n'est pas une surprise mais on ne pensait pas qu'il y aurait autant de personnes concernées", a déclaré cette source à l'AFP. Il est "très inquiétant du fait de cette orientation presque vers le tout numérique et la manière dont les moyens humains seront déployés.
D'après le site internet du groupe de presse belge Rossel La Voix, propriétaire du journal fondé en 1941, la "VDN" compte un millier de correspondants dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais et 24 éditions. Il était passé en 2009 au format tabloïd en quadrichromie.
Selon les chiffres de l'OJD, la diffusion de la Voix du Nord, troisième journal régional du pays derrière Ouest-France et Sud-Ouest, a chuté de 4,6% à 217.000 exemplaires entre juillet 2015 et juin 2016, dans un contexte marqué par le recul des recettes publicitaires (-5,2% pour les quotidiens régionaux lors des premiers mois 2016, données IREP/France Pub).
De source proche de la direction, on déclare "regretter certaines interprétations fallacieuses, notamment sur le prétendu tout web, et nous regrettons que ces informations soient sorties avant le CE".
Mais une autre source au fait du dossier estime que "le but des actionnaires est de grossir et de dégager de l'argent pour faire des acquisitions".
Le groupe Rossel-La Voix, qui détient de très nombreux titres de presse au nord de Paris dont Le Courrier-picard, L'Union, Nord-Littoral ou encore L'Est-éclair, a fait en novembre une offre de reprise pour le rachat de Paris-Normandie, en redressement judiciaire depuis avril.
L'année 2016 a encore connu plusieurs plans sociaux dans la presse, comme dans le groupe Lagardère (220 départs) ou à L'Obs (38 départs). Quant au quotidien La Marseillaise, il est en dépôt de bilan.