PARIS (Reuters) - Plusieurs centaines de milliers de personnes ont une nouvelle fois manifesté samedi à travers la France contre le projet de réforme des retraites du gouvernement, face auquel les syndicats menacent de "mettre (le pays) à l'arrêt" si le texte, actuellement examiné par le Parlement dans une ambiance tendue, est adopté.
Le ministère de l'Intérieur a estimé à 963.000 le nombre total de manifestants pour cette quatrième journée de mobilisation syndicale quand la CGT a évoqué 2,5 millions de participants aux différents cortèges à travers le pays.
Les syndicats, appuyés par une large majorité de Français selon les études d'opinion, dénoncent notamment le projet gouvernemental de reporter de 62 à 64 ans l'âge légal de départ à la retraite. Durant la campagne ayant abouti à sa réélection à la présidence de la République au printemps dernier, Emmanuel Macron avait proposé un report à 65 ans.
"Cette réforme ne doit pas passer. Emmanuel Macron le sait très bien, mais il fait comme si tout le monde avait voté pour son programme, mais non!", s'est insurgée Aurélie, 40 ans, dans le cortège parisien.
Selon elle, "la démocratie c'est aussi gouverner pour le peuple. Et donc là, le peuple dit 'non'".
"Si on n'est pas capable d'entendre ce qui se passe dans la rue, de prendre en compte ce qui se passe avec la population, il ne faudra pas s'étonner qu'il y ait du débordement au bout d'un moment", a prévenu pour sa part Delphine Maisonneuve, une infirmière âgée de 43 ans.
"METTRE LA FRANCE À L'ARRÊT"
Dans un communiqué publié avant le départ de la manifestation à Paris, l'intersyndicale s'est dite prête à "durcir le mouvement (...) si le gouvernement et les parlementaires restaient sourds à la contestation populaire". Les organisations syndicales menacent ainsi de "mettre la France à l'arrêt dans tous les secteurs le 7 mars".
Une nouvelle journée d'action est déjà programmée jeudi prochain, à la veille de la fin de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale.
Lors d'une rare prise de parole sur ce sujet crucial pour son second quinquennat, Emmanuel Macron a appelé les adversaires de sa réforme à conserver leur "esprit de responsabilité" afin que "les désaccords puissent s'exprimer, mais dans le calme (...) et avec une volonté de ne pas bloquer la vie du reste du pays".
Contrairement aux journées de mobilisation précédentes - 19 janvier, 31 janvier et 7 février -, les syndicats ont privilégié ce samedi les manifestations aux grèves susceptibles de perturber les départs en vacances d'hiver. A la SNCF, les cheminots n'étaient ainsi pas appelés à cesser le travail.
Le trafic aérien a toutefois été perturbé à l'aéroport d'Orly en raison d'une grève surprise des contrôleurs.
Du côté du gouvernement, on se défend de faire la sourde oreille tout en affirmant la nécessité de faire une réforme qui demande "des efforts" selon les termes martelés par la Première ministre, Elisabeth Borne.
"Nous ne sommes pas sourds (...) Nous avons été capables d'évoluer", a dit le porte-parole de l'exécutif Olivier Véran vendredi sur BFMTV.
Les principales modifications du projet ont été décidées pour tenter de rallier les députés Les Républicains (LR), alors que le camp présidentiel n'a pas la majorité absolue à l'Assemblée. Les troupes LR sont divisées sur l'attitude à adopter même si une majorité des 62 députés sont prêts à voter le texte, selon leur président de groupe Alain Marleix.
L'une des inconnues porte sur l'évolution de l'examen du texte au Palais-Bourbon, où plus de 20.000 amendements ont été déposés, dont 18.000 par la coalition de gauche Nupes qui a la possibilité d'en retirer une partie pour accélérer les débats.
L'article 1 relatif à la disparition d'une partie des régimes spéciaux de retraite a été adopté vendredi.
(Rédigé par Claude Chendjou, avec Elizabeth Pineau, Blandine Hénault, Michaela Cabrera, John Irish, Noemie Olive et Ingrid Melander)