Nicolas Sarkozy est arrivé lundi à Berlin pour évoquer avec Angela Merkel un projet français de taxation des transactions financières susceptible d'empoisonner leurs relations au moment où la crise de la dette en zone euro repart de plus belle.
La presse allemande n'était guère tendre lundi sur le cavalier seul du président français, qui entend "donner l'exemple" en commençant à taxer les échanges financiers, en France seulement s'il le faut.
M. Sarkozy, qui devrait briguer sa réélection lors de l'élection présidentielle française dans quatre mois, "foule aux pieds la coopération franco-allemande", à "des fins électoralistes", tempête l'édition internet du magazine Spiegel.
L'Allemagne est elle-même partisane d'une telle taxe. Mais Steffen Seibert, porte-parole de Mme Merkel, a répété lundi que "la priorité restait une adoption à l'échelle des 27 Etats membres de l'Union européenne" et qu'il s'agissait pour l'instant avant tout de clarifier la position des uns et des autres. Plusieurs pays, Grande-Bretagne en tête, sont farouchement opposés à une telle taxe.
La chancelière allemande et le président français se retrouvent pour un déjeuner de travail suivi d'une conférence de presse à 12h30 GMT.
En attendant cette nouvelle rencontre du couple "Merkozy", le marché des changes reflétait le regain des inquiétudes sur le destin de la monnaie unique: lundi dans les premiers échanges l'euro a atteint son plus bas niveau face au dollar (1,2666 dollar) depuis septembre 2010.
La réunion à Berlin doit préparer le sommet européen du 30 janvier et en particulier préciser les contours du nouveau pacte de discipline budgétaire entre pays européens, dont le principe avait été adopté fin décembre. Christian Schulz, économiste de Berenberg Bank, s'attend ainsi à ce que Paris et Berlin accompagnent leur discours d'austérité "d'initiatives de croissance", mais précise qu'aucune des deux capitales "ne sera prête, ou en mesure d'investir de grosses sommes d'argent". Et surtout pas la France, qui s'attend à une dégradation de sa note de solvabilité AAA.
Dirk Schumacher, économiste de Goldman Sachs, évoque un autre "point de divergence" entre Paris et Berlin: selon lui, l'Allemagne souhaiterait lier plus étroitement que Paris le futur pacte de discipline budgétaire et le futur fonds d'aide européen MES. Ces débats de moyen et long terme jurent avec le caractère d'urgence qu'a repris ces derniers jours la crise de la dette en zone euro, avec en particulier une résurgence des inquiétudes sur la Grèce, sous perfusion de l'aide internationale depuis le printemps 2010.
Le Fonds monétaire international (FMI), l'un de ses créanciers, a de plus en plus de doutes sur la capacité du pays à réduire durablement son endettement faramineux, croit savoir le Spiegel. La directrice générale du FMI Christine Lagarde est attendue à Berlin pour une rencontre "informelle" avec Mme Merkel mardi dans la soirée.
Selon une note de l'organisation obtenue par le magazine, Athènes va soit devoir accélérer la consolidation de ses finances publiques, soit imposer des pertes plus importantes que prévu aux créanciers privés.
Qui dit participation potentiellement plus importante des créanciers privés dit stress supplémentaire pour les banques de la zone euro, déjà mal en point comme l'illustrent les déboires de l'italienne UniCredit. Elle a été contrainte de brader ses actions pour procéder à partir de lundi à une augmentation de capital de 7,5 milliards d'euros.
Le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble a encore un peu plus plombé l'ambiance en reconnaissant lundi que l'actuel fonds de secours européen, le FESF, avait du mal à convaincre les investisseurs privés de lui prêter l'argent nécessaire à son fonctionnement. Le FESF aide jusqu'ici la Grèce, l'Irlande et le Portugal.