Le nouveau ralentissement de l'inflation en zone euro, en ravivant les craintes de déflation, pourrait appeler une baisse de taux de la Banque centrale européenne (BCE) jeudi, même si les analystes restent partagés sur cette éventualité.
"La BCE est de nouveau soumise à de fortes pressions pour mener une action immédiate afin de contrecarrer le nouveau recul du taux d'inflation à 0,7% en janvier", souligne Howard Archer, chef économiste Europe chez IHS. Un chiffre bien en-dessous de l'objectif de la BCE de maintenir la hausse des prix proche de 2%.
La dernière fois que l'inflation était tombée à 0,7%, en octobre, la BCE avait réagi dans la foulée, en baissant, lors de sa réunion de novembre, son principal taux directeur à 0,25%, un niveau historiquement bas.
Depuis, le président de la BCE, Mario Draghi, et ses comparses du directoire, ne cessent de répéter qu'ils ne voient pas de menace déflationniste à l'horizon.
Mais Mark Wall et Gilles Moëc, de Deutsche Bank, estiment que l'institution monétaire de Francfort fera jeudi le même choix qu'en novembre, tout comme Richard Barwell et Xinying Chen, de RBS, qui considèrent "qu'une baisse de taux est la chose adéquate à faire".
Au contraire, Marco Valli, de UniCredit, et Annalisa Piazza, du courtier Newedge s'attendent à un statu quo, sans baisse de taux, ni autre mesure.
Pour résumer, "ce ne sera pas une réunion facile", estime Carsten Brzeski d'ING.
"Des indicateurs de confiance élevés et la poursuite d'une reprise (économique) graduelle plaident contre une action supplémentaire. Mais dans le même temps un niveau de crédit faible, la tempête récente sur les marchés financiers et dans les marchés émergents, ainsi que la chute du taux d'inflation peuvent facilement justifier un nouveau relâchement" de politique monétaire, explique-t-il.
Les émergents, nouvelle menace
Pour l'économiste, la BCE devrait finalement rester inactive ce mois-ci car son scénario d'une reprise économique progressive se confirme, tandis que l'orage traversé par les pays émergents est encore trop récent pour avoir un impact même s'il n'en constitue pas moins une menace pour la zone euro qui réalise 16% de ses exportations dans les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).
Si la BCE décidait tout de même de baisser son taux directeur, cela pourrait ne pas être d'un quart de point comme à l'accoutumée, car le taux tomberait alors à 0%. Selon Howard Archer, une baisse à 0,10 ou 0,15% "est de plus en plus probable".
D'autres options restent aussi sur la table. Une baisse du taux de dépôt, celui auquel la BCE rémunère les liquidités excédentaires placées dans ses caisses pour 24 heures par les banques, est évoquée depuis des mois. Ce taux est de 0% depuis juillet 2012 et serait donc porté en territoire négatif, pour encourager les banques à prêter.
Autres mesures étudiées de longue date, un nouveau prêt à long terme (LTRO) aux banques, toujours pour encourager le crédit, ou des rachats d'actifs bancaires adossés à des prêts. Autant d'alternatives qui ne sont pas sans présenter également des inconvénients, d'où les hésitations de la BCE.
Par ailleurs, la possibilité que la BCE cesse de "stériliser" ses achats de dette publique opérés dans le cadre du programme SMP, entre 2010 et 2012, a été récemment évoquée par des médias. Cette stérilisation, qui consiste à inciter les banques à déposer leurs liquidités sur un dépôt hebdomadaire, est destinée à éviter un surplus de liquidités sur le marché et donc une menace inflationniste. Or cet argument n'a plus lieu d'être.
Mais pour Michael Schubert et Jörg Krämer, de Commerzbank, l'arrêt de la stérilisation pourrait apaiser des tensions sur le marché monétaire mais pas les risques de désinflation, qui nécessitent "une politique plus expansionniste". Et les marchés pourraient réagir négativement à un geste considéré comme trop timide, selon eux.