L'année 2015 sera aussi morose que 2014 en terme d'augmentations salariales, prédisent plusieurs enquêtes publiées en cette rentrée. Sans croissance, avec un chômage au plus haut et une inflation très faible, les salariés ne sont pas en position de force pour négocier.
D'après l'étude d'Aon Hewitt dévoilée mardi, les entreprises installées en France prévoient des augmentations de 2,6% l'an prochain, un taux "extrêmement bas, inférieur aux augmentations moyennes en Europe", observe Vincent Cornet, directeur de l'activité rémunération du cabinet.
Si cette prévision était confirmée, 2015 serait du même acabit que 2014, un peu en dessous des trois années précédentes et surtout loin des niveaux enregistrés avant la crise de 2008 (autour de 3,2%-3,4%). "On est effectivement toujours bien dans un contexte qu'on peut appeler de crise", dit-il.
"Les budgets sont au point mort", constate également Hay Group, dont les prévisions indiquent 2% pour 2015, comme en 2014.
"Dans un contexte économique très incertain, les entreprises ne semblent pas prêtes à prendre le risque d'une relance des augmentations de salaires. Elles vont devoir trouver d'autres leviers pour stimuler la motivation et l'engagement de leurs collaborateurs", souligne Gildas Poirel, directeur des relation clients du cabinet.
Chez Deloitte, les perspectives sont identiques (2%). Les enveloppes "atteignent des niveaux bas que l'on n'avait plus vus depuis le début des années 2000", confirme Philippe Burger, associé.
Le cabinet de conseil signale dans son enquête annuelle publiée lundi que "même au plus fort de la crise économique en 2008, les entreprises envisageaient des augmentations autour de 2,4%".
- Réclamer une part du CICE -
L'explication réside "en partie" dans la faible inflation, tombée à 0,5% sur douze mois en juillet, avance Deloitte.
Pour compenser le pouvoir d'achat de leurs salariés, les entreprises ont moins à lâcher. Le niveau historiquement bas des prix pèse d'abord sur les augmentations collectives.
Selon Aon Hewitt, les projections sont de 1,1% pour les augmentations générales, versées à tous les salariés indépendamment de leurs performances, et de 2,3% pour les gratifications individuelles.
En 2014 déjà, "compte-tenu du niveau faible de l'inflation, les augmentations collectives ont tendance à diminuer là où elles existent encore", observe Denis Falcimagne, chargé des questions de rémunérations à l'association de DRH Entreprise & Personnel.
En revanche, "les augmentations individuelles se font avec davantage de sélectivité. On préfère augmenter moins de salariés pour ne pas faire de saupoudrage", ajoute-t-il.
"Le niveau de l'inflation ne va pas nous aider. On ne se fait pas beaucoup d'illusions. 2015 sera malheureusement dans la lignée des années précédentes, au minima du minima", déplore Régis Dos Santos, président du syndicat national des banques (SNB, affilié à la CFE-CGC).
Les salariés intrépides qui frapperont à la porte de leur patron pourraient être tentés de réclamer une petite part du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). "Il y aura forcément une tension sur l'utilisation du CICE", admet cet expert.
Mais les marges de négociations seront selon lui très faibles. Au moment où le CICE leur permet de gagner sur les coûts, les entreprises "préfèreront investir pour créer des emplois demain plutôt que de redistribuer".
Sans surprise, le patron des patrons, Pierre Gattaz, prône la plus grande "modération" en matière de salaires. Selon lui, il y a "grand danger" que la baisse du coût du travail permise par le pacte de responsabilité (41 milliards d'euros sur trois ans) soit sinon annulée.
Sourde à cet argument, la CGT entend bien "porter le fer" sur la question salariale, prévenait récemment Eric Aubin, membre de la direction du syndicat.
Les négociations annuelles sur les salaires, qui s'ouvriront dès octobre dans certaines entreprises, donneront l'occasion aux syndicats "d'interpeller les entreprises sur leur utilisation du crédit d'impôt", promet pour sa part M. Dos Santos (SNB).
Mais "on ne mettra pas le CICE dans la balance", car "ce ne sont pas les impôts des Français qui doivent financer les augmentations de certains salariés", estime-t-il.