A quelques jours de l'ouverture de la conférence internationale sur le climat (COP21), 39 grands groupes français ont publié ensemble leurs engagements pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, qui se traduiront par 170 milliards d'euros d'investissements d'ici à 2020.
"Cela faisait vraiment sens que les grands groupes français, qui pour beaucoup sont des leaders dans leur domaine d'activité, expriment collectivement leur engagement vis-à-vis de cette évolution vers une économie bas carbone", a affirmé jeudi Jean-Pierre Clamadieu, le PDG du chimiste Solvay (BR:SOLB), lors d'une conférence de presse à Paris.
Il était accompagné des dirigeants des groupes Avril, Carrefour (PA:CARR), Orange, Publicis, Schneider Electric (PA:SCHN), Scor (PA:SCOR), Saint-Gobain (PA:SGOB) et Total (PA:TOTF).
Parmi les 39 groupes signataires de ce "manifeste" qui rassemble l'essentiel du CAC 40, figurent aussi BNP Paribas (PA:BNPP), Danone, EDF (PA:EDF), JCDecaux (PA:JCDX), Kering (PA:PRTP), La Poste, Michelin (PA:MICP), la RATP ou encore Valeo (PA:VLOF).
Ce document met en avant l'"ambition partagée" de ces entreprises dans un texte commun, puis compile leurs engagements individuels sur la réduction de leur consommation d'énergie ou encore les investissements dans des technologies bas carbone.
Ces derniers mois, le monde économique a multiplié les annonces et engagements en faveur du climat, que ce soit dans le secteur bancaire ou l'énergie. Des annonces saluées par les ONG environnementales qui les jugent toutefois largement insuffisantes au regard de l'urgence climatique.
Lundi à Genève, les PDG de 78 multinationales, essentiellement européennes mais aussi des pays émergents, avaient également publié une déclaration commune en faveur d'un accord "ambitieux" à Paris et de "politiques claires et consistantes" pour accompagner leur action.
La mobilisation des entreprises a "énormément progressé depuis quelques années", a jugé jeudi Pierre-André de Chalendar, le PDG de Saint-Gobain, revenant sur la conférence internationale de Copenhague il y a cinq ans, largement considérée comme une occasion manquée d'avancer dans la lutte contre le réchauffement de la planète.
Les 39 entreprises françaises, qui disent représenter un chiffre d'affaires de 1.200 milliards d'euros et 4,4 millions d'emplois dans le monde, souhaitent qu'un accord mondial "ambitieux et réaliste" soit cette fois signé à la COP21 qui s'ouvre lundi à Paris.
Le défi du climat "est plus une opportunité qu'une contrainte", a assuré le directeur général de Total Patrick Pouyanné, ajoutant que le pétrolier, gros émetteur de gaz à effet de serre, a "la conviction" de pouvoir lui-même agir, "parce que nous avons des capacités technologiques et financières pour nous engager".
- Prix du carbone et compétitivité -
Entre 2016 et 2020, ces groupes prévoient ainsi d'investir 170 milliards d'euros dans la lutte contre le changement climatique, dont au moins 45 milliards d'euros dans les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique et d'autres technologies bas carbone, et 80 milliards d'euros en financements de projets "contribuant à la lutte contre le changement climatique".
"Il est possible d'une manière économique rationnelle d'atteindre les objectifs que nous nous fixons", a assuré Luc Rémont, président de Schneider Electric France.
Dans l'enveloppe sont aussi inclus 15 milliards d'euros d'investissements dans de nouvelles capacités nucléaires et 30 milliards d'euros dans le gaz naturel, présenté comme une "énergie de transition".
Mais pour Matthieu Orphelin, porte-parole de la fondation Nicolas Hulot, "on ne peut pas compter ces investissements", a-t-il dit, soulignant que "la vraie transition énergétique, c'est ce qui est basé sur l'efficacité énergétique et les renouvelables".
Le reproche est identique chez Greenpeace. "Il ne faut pas refaire les erreurs du passé mais choisir les énergies d'avenir, d'ores et déjà rentables: les renouvelables", a déclaré Cyrille Cormier, chargé des questions énergies.
Parmi les signataires, 37 ont pris des engagements de réduction de leurs émissions et 11 se sont même dotés d'un prix interne du CO2 pour "infléchir leurs décisions d'investissement ou accélérer leurs réductions d'émission", détaille le manifeste.
"Ce n'est pas anodin", a noté Matthieu Orphelin, même s'"il faudrait que ça aille plus vite" sur tous les engagements.
Les groupes plaident d'ailleurs pour la mise en place de "mécanismes de tarification carbone, reliés entre eux, dans les principales régions économiques" du monde.
"Ce qui nous apparait important c'est qu'il y ait une convergence de ces différents systèmes" vers, "à terme", un "prix du carbone mondial", a affirmé M. Clamadieu, afin de préserver la compétitivité des entreprises et industries européennes.