BERLIN (Reuters) - Le président exécutif d'Airbus, Thomas Enders, critique les restrictions qu'impose le gouvernement allemand sur les exportations de biens de défense et juge que cette position est susceptible de dissuader les sociétés internationales de coopérer sur de futurs projets.
"Quand il s'agit de défense et de politique de sécurité, ce que le gouvernement allemand dit et ce qu'il fait sont deux choses très différentes", dit-il dans une déclaration envoyée à Reuters.
Le ministre allemand de l'Economie, Sigmar Gabriel, qui veut durcir les règles pour l'exportation d'armement vers les zones sensibles, a déclaré en août aux industriels du secteur que leur avenir dépendait d'une consolidation avec leurs pairs européens. Pourtant, selon un article de Die Zeit publié la semaine dernière, il préférerait voir le groupe de défense Krauss-Maffei Wegmann (KMW) se rapprocher de son compatriote Rheinmetall plutôt que de fusionner avec le français Nexter.
En outre, Berlin bloquerait actuellement un contrat de missiles de MBDA au Qatar en n'autorisant pas le transfert de pièces détachées de l'Allemagne vers la France, apprend-on de sources du secteur de la défense. Le quotidien Les Echos a fait état jeudi de ce blocage.
Airbus détient 37,5% de MBDA, le missilier dont BAE Systems et Finmeccanica sont également actionnaires.
Thomas Enders, qui a supervisé la restructuration du capital d'Airbus Group pour limiter l'influence des Etats français et allemand, dit que les restrictions à l'exportation pèseront sur l'emploi en Allemagne. Il ajoute que la politique de Berlin pourrait freiner le développement secteur en Europe. "Alors qu'on parle sans cesse de davantage de coopération et de consolidation du secteur de la défense en Europe, on s'attaque à des décennies de coopération franco-allemande."
L'industrie de la défense en Allemagne emploie environ 80.000 personnes, avec des exportations en hausse de 24% à 5,85 milliards d'euros en 2013. Cette envolée des ventes à l'étranger a décidé le ministre allemand de l'Economie à freiner les exportations d'armes vers des pays comme le Qatar et l'Arabie Saoudite, dont les achats contribuaient à faire du pays le troisième exportateur d'armement au monde.
Les entreprises allemandes ont déjà reproché à la politique de Sigmar Gabriel d'avoir entrainé le rejet de milliers de licences d'exportation d'armes et Rheinmetall a lancé un avertissement sur ses résultats après le blocage par Berlin d'un accord pour la vente d'équipements de simulation de combat à la Russie.
Le gouvernement allemand est ainsi allé plus loin que les sanctions décidées par l'Union européenne à l'encontre de la Russie pour son rôle dans le crise ukrainienne. D'après le texte de ces sanctions, l'embargo sur les exportations d'armes vers la Russie n'est pas rétroactif et ne concerne donc pas des contrats déjà signés.
(Sabine Siebold, Benoit Van Overstraeten et Juliette Rouillon pour le service français, édité par Gilles Trequesser)