Aides européennes, recherche du juste prix pour les producteurs: les candidats à la présidentielle qui ont défilé au Salon de l'Agriculture achevé dimanche à Paris ont affiné leurs visions pour relancer un secteur sinistré mais pourvoyeur d'emplois et de devises.
A l'exception du tribun de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, qui soutient une agriculture "paysanne et écologique" et fustige l'agriculture "productiviste" représentée selon lui au Salon, les quatre principaux candidats ont sacrifié au rituel de la bousculade médiatique entre les vaches primées, fleurons des élevages français.
Ils ont été à la rencontre des éleveurs "crevés", et "fauchés", selon Michel Guichot, dont l'exploitation de bovins, maïs, volailles est située près d'Orthez (sud-ouest).
Alors que la moitié des agriculteurs français a touché un revenu net mensuel inférieur à 350 euros en 2016 (incluant les aides européennes), la principale ligne de fracture entre les candidats s'est dessinée sur l'Europe, à la veille d'une énième réforme de la Politique agricole commune (PAC) en discussion à Bruxelles.
Première à visiter le salon, la dirigeante de l'extrême droite Marine Le Pen a proposé de "franciser" les aides à l'agriculture et de "revoir totalement le système" en les distribuant différemment.
Elle a ensuite multiplié les interventions pour fustiger l'Union européenne (UE) qui, selon elle, a "décidé la disparition de l'agriculture française" et "porte atteinte à la souveraineté et à la sécurité alimentaire" du pays.
La candidate s'est vu vertement répondre par le commissaire à l'Agriculture, l'Irlandais Phil Hogan. Selon lui, les agriculteurs français se tromperaient lourdement s'ils croyaient continuer de recevoir le même niveau d'aide directe venant d'un gouvernement national qui aurait choisi de rompre avec Bruxelles, le poids démographique des paysans étant très faible par rapport au reste de la population française (-de 3% de la population active).
- Soutien à Fillon -
M. Hogan a cité en exemple le sort des paysans britanniques, "grands perdants" du Brexit selon lui. Les aides nationales directes à l'agriculture ne seront pas maintenues au delà de 2020 une fois que la Grande-Bretagne aura largué ses amarres européennes, contrairement à ce qui avait été promis par les pro-Brexit durant la campagne du référendum.
Le commissaire s'est en revanche déclaré favorable à un "plafonnement" des aides de la PAC, pour garantir un soutien accru aux petites et moyennes exploitations en difficulté face à la financiarisation de la terre et au développement des sociétés d'exploitation agricole qui profitent à plein du système PAC, au détriment des petits.
De leur côté, Emmanuel Macron, ancien ministre de l'Economie du président socialiste François Hollande, repositionné au centre, le candidat de la droite François Fillon et le socialiste Benoît Hamon se sont prononcés pour une "préservation du budget de la PAC" qui permet à la France d'être une grande exportatrice de produits agroalimentaires.
Les deux premiers affichent une vision nettement productiviste, avec des allégements de cotisations sociales, de taxations, et des "plans de modernisation" (5 milliards pour Macron, 6 milliards pour Fillon), tandis que le candidat socialiste, lui, souhaite repenser la façon de s'alimenter pour privilégier la qualité et le respect de l'environnement à la quantité.
M. Hamon qui souhaite instaurer des "prix plancher" au niveau européen sur le mode du commerce équitable, souhaite notamment "résister" aux lobbies industriels des pesticides et "interdire les perturbateurs endocriniens et les nanoparticules dans l'alimentation".
François Fillon souhaite revoir la Loi de modernisation de l'économie qu'il a lui même fait voter lorsqu'il était Premier ministre de Nicolas Sarkozy, en reconnaissant qu'elle a été trop favorable aux grandes surfaces face aux producteurs qui n'arrivent plus à vivre de leur métier.
M. Fillon a été accueilli sous le slogan de "Fillon président" au stand du principal syndicat agricole FNSEA dont beaucoup de membres sont à titre individuel de fervents soutiens de sa campagne même si l'organisation ne s'engage pas en tant que telle.
Le candidat de la droite était le grand favori de l'élection d'avril-mai jusqu'à l'ouverture d'une enquête sur des emplois présumés fictifs visant sa femme et deux de ses enfants. Il est désormais devancé dans les sondages par Marine Le Pen et Emmanuel Macron.