Un processus de "normalisation" de l'économie après des années de protectionnisme a été engagé en Argentine dès les premiers jours de gestion du gouvernement de Mauricio Macri, un libéral de centre-droit au pouvoir depuis le 10 décembre.
Levée du contrôle des changes, fin du soutien du peso, suppression des subventions généralisées aux factures de gaz, électricité, et eau, le gouvernement a frappé fort et vite.
M. Macri, 56 ans et fils d'un riche homme d'affaires, démantèle peu à peu les mécanismes protectionnistes introduits par la précédente administration, conformément à ses promesses de campagne.
Lundi, la première annonce était dirigée vers les puissants producteurs agricoles, opposés à la gestion des Kirchner, qui attendaient un geste du gouvernement pour mettre sur le marché des millions de tonnes de céréales et de soja, générateurs de précieuses devises pour le pays sud-américain.
Il n'y aura plus de taxe sur les exportations de maïs et de blé et l'impôt sur les ventes de soja est ramené de 35 à 30%.
Lundi, le président a également annoncé aux industriels la disparition d'une taxe d'environ 5% sur le montant des exportations, en demandant aux chefs d'entreprise de faire un geste pour l'emploi en contrepartie.
- Fin du contrôle des changes -
En revanche, certains industriels ont cessé d'applaudir à l'annonce de la levée des barrières douanières, redoutant la concurrence de produits étrangers.
L'économiste Dante Sica voit d'un bon œil ces initiatives. "Ce sont des mesures destinées à fixer des règles normales permettant de stimuler la production agricole, diminuer l’asphyxie fiscale et faciliter le commerce international", assure-t-il.
Un autre économiste, Hernan Letcher, estime que "l'ouverture de l'économie" fait partie de "politiques orthodoxes de contrôle de l'inflation, comme le refroidissement de l'économie, la réduction des dépenses publiques et la hausse des taux d'intérêt".
Mercredi, le gouvernement Macri a mis fin au contrôle des changes, une mesure emblématique de la présidente de gauche Cristina Kirchner, introduite en 2011 pour limiter la fuite des devises.
L'annonce faite par le ministre du Budget Alfonso Prat-Gay entraînera une dévaluation du peso qui, selon les experts, se rapprochera du taux de change au marché noir, entre 14 et 15 pesos pour un dollar. De 1991 à 2001, le peso équivalait à un dollar.
"Celui qui veut exporter peut exporter, celui qui veut importer peut importer sans demander d'autorisation, celui qui veut acheter des dollars va pouvoir les acheter. C'est comme ça que fonctionnent les économies normales dans n'importe quel endroit du monde, et la logique est de normaliser pour retrouver la croissance", selon M. Prat-Gay.
- Un peso surévalué -
Après 12 ans de forte intervention de l'Etat, dont la politique de surévaluation du peso, l'institut économique Ecolatina prévoit "que la Banque centrale n'interviendra qu'en cas de pressions à la hausse très élevées".
"La clé sera de voir jusqu'où la Banque centrale laissera flotter le peso", met en avant Edward Glossop, économiste de Capital Economics. "Le peso est surévalué de plus de 35%. Cela veut dire qu'un taux de change à moins de 13 pesos pour un dollar (contre 9,8 actuellement) serait de nature à mécontenter les marchés".
Et comme une dévaluation renforce automatiquement l'inflation, qui oscille entre 20 et 35% depuis huit ans, les Argentins vont voir bondir les prix. "La dévaluation entraîne une baisse significative du salaire réel car le coût de la vie augmente", fait remarquer Hernan Letcher.
Après dix ans de forte croissance, l'économie argentine a considérablement ralenti depuis fin 2013. Elle n'est pas officiellement entrée en récession comme sa voisine brésilienne, premier partenaire commercial de l'Argentine, mais les manipulations des indicateurs économiques laissent planer le doute.
Le gouvernement a également averti que les subventions aux factures d'électricité, d'eau et de gaz, notamment dans l'agglomération de Buenos Aires, allaient être revues à la baisse ou limitées aux foyers les plus pauvres.
Craignant un coût social, les cinq centrales syndicales se sont réunies pour la première fois depuis 12 ans.
Une manifestation pour protester contre les premières mesures de Mauricio Macri est prévue jeudi en fin de journée dans la capitale.