Le gouvernement s'attaque aux promotions et au seuil de revente à perte dans un projet de loi qui sera présenté mercredi, espérant ainsi mieux répartir la valeur entre agriculteurs, industriels et distributeurs, et il affiche sa détermination à sévir si les comportements ne changent pas.
Parmi les mesures phare de ce projet, issu des Etats généraux de l'alimentation, figurent un encadrement des promotions dans les grandes surfaces, ainsi qu'un relèvement de 10% du seuil de revente à perte: les supermarchés seront obligés de revendre au minimum un produit alimentaire au prix où ils l'ont acheté majoré de 10%, pour couvrir les frais de logistique et de transport.
Devançant la loi, qui ne devrait être votée que mi-2018, les acteurs concernés ont déjà signé en novembre une charte de bonne conduite. Mais plusieurs des participants aux négociations actuelles entre distributeurs, industriels et producteurs se sont accusés ces dernières semaines de ne pas la respecter.
Lors de ses vœux aux agriculteurs jeudi, le président Emmanuel Macron a menacé de dénoncer auprès du grand public ceux qui ne respecteraient pas les bonnes pratiques.
"Nous allons de nouveau réunir l'ensemble des acteurs (...) pour leur rappeler leurs obligations, pour leur redire que nous ferons des contrôles renforcés de la DGCCRF (répression des fraudes) pour veiller à ce que les engagements soient pris", a insisté dimanche le ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, sur BFM, menaçant de nommer ("name and shame") ceux qui ne jouent pas le jeu.
Reste à savoir si les comportements des Français s'adapteront à une des mesures les plus novatrices de ce texte de loi: l'inversement de la construction du prix en partant de la prise en compte des coûts de production des agriculteurs, calculés grâce à des indicateurs fournis par les interprofessions.
Jeudi encore, une promotion sur le Nutella a provoqué des bousculades très médiatisées dans les magasins Intermarché, qui offraient ce produit à -70%. Un signe que le grand public n'est peut être pas prêt à délaisser les promotions et les produits à bas coût pour des produits de qualité correctement rémunérés, comme l'espéraient les participants aux Etats généraux de l'Alimentation.
- lutte contre le gaspillage alimentaire -
La question des prix payés aux producteurs occupe une grande place dans le texte de loi, mais il contient également des mesures concernant la lutte contre le gaspillage alimentaire dans la restauration collective, ou encore l'objectif de 50% de produits bio et bénéficiant de signes de qualité dans les cantines d'ici 2022.
Le texte renforce également la sévérité des sanctions pour mauvais traitement sur les animaux de boucherie en transformant en délit tout mauvais traitement dans les abattoirs et dans les transports d'animaux vivants.
Le texte n'a cependant pas retenu la proposition d'installer des caméras dans les abattoirs proposée par Olivier Falorni, député apparenté PRG qui avait présidé la commission d'enquête parlementaire sur les abattoirs en 2016.
Concernant les produits phytopharmaceutique, la loi propose d'interdire les remises rabais et autres ristournes, et veut imposer une séparation capitalistique entre le conseil et la vente de ces produits.
Le député Insoumis François Ruffin, qui a dévoilé le texte de loi la semaine dernière sur son blog, a cependant déploré que "ce texte ne propose rien, ou presque rien, pour aller vers un autre modèle d'agriculture".
"Le premier chantier des Etats généraux de l'alimentation, +création et répartition de la valeur+, est repris dans ce projet de loi. Mais du second chantier, à peine des miettes", a-t-il écrit sur son blog.
C'est également le constat qu'avaient fait en décembre les acteurs de la plateforme citoyenne pour une transition agricole et alimentaire, regroupant 50 organisations de la société civile, qui déploraient que les "décisions sur la phase sociétale et environnementale (soient) reportées à plus tard".