Plusieurs banquiers centraux, réunis cette semaine à Washington, ont clairement indiqué qu'ils n'étaient pas disposés à en faire beaucoup plus pour sauver le monde de la crise de la dette, en dépit d'appels du pied de certains responsables politiques, notamment en France.
La Banque centrale européenne (BCE) n'a pas de mandat pour ramener la croissance en Europe, mais uniquement celui d'assurer la stabilité des prix, a rappelé son vice-président Vitor Constancio, lors d'un débat organisé vendredi à Washington par la Banque de France, en marge de l'assemblée semestrielle du Fonds monétaire international (FMI).
Or, a-t-il assuré, "le risque de déflation en Europe est négligeable", et il n'y a donc pas lieu de changer de politique monétaire pour stimuler la croissance afin de contrecarrer ce risque de baisse de prix.
Pourtant, certains en Europe l'y encouragent, à commencer par le favori des sondages à l'élection présidentielle en France, le socialiste François Hollande. Ce dernier a demandé à la BCE de baisser ses taux et de prêter directement aux Etats afin de soutenir la croissance. Son principal adversaire, le président sortant Nicolas Sarkozy, s'est également déclaré favorable à une réforme des missions de la BCE afin qu'elle puisse prendre des mesures de soutien à l'économie européenne, comme le font la Banque d'Angleterre et la Réserve fédérale américaine (Fed).
"Il est dangereux pour une banque centrale d'agir en tant que prêteur en dernier ressort pour les gouvernements", ou en d'autres termes de faire tourner la planche à billets pour sauver un Etat de la banqueroute, a averti le gouverneur de la Banque centrale du Japon (BoJ), Masaaki Shirakawa.
Une banque centrale qui baisserait la garde sur la stabilité des prix, perdrait du coup toute crédibilité pour lancer des opérations audacieuses d'aide au secteur financier et bancaire, comme l'a fait la BCE, a expliqué de son côté le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer.
L'institution de Francfort estime avoir déjà fait beaucoup en inondant en décembre et février les banques européennes de liquidités, environ 1.000 milliards d'euros prêtés sur trois ans, et elle se refuse, mandat oblige, à aider directement les Etats.
Elle devrait pour le moins accepter une forme de mutualisation de la dette en Europe, sous forme d'euro-obligations, et le plus tôt serait le mieux, a assuré lors de ce débat le prix Nobel d'économie Christopher Sims. Il rejoint ainsi le point de vue de plusieurs responsables politiques en Europe, dont le chef de l'eurogroupe Jean-Claude Juncker. Le vice-président de la BCE ne s'est pas directement prononcé sur cette option, se contentant de soutenir la nécessité de "mécanismes collectifs" pour contrecarrer la contagion de la crise de la dette, une réalité mesurée par les experts de la BCE. M. Constancio a ainsi expliqué que 38% de la volatilité affectant le niveau des taux d'intérêt de la dette italienne avaient pour origine les mouvements affectant les taux grecs, irlandais ou portugais.
Alors que faire ? Le gouverneur de la Banque centrale du Mexique, Agustin Carstens, fort de son expérience en Amérique latine où les crises de la dette se sont longtemps succédé à un rythme soutenu, a préconisé quelques pistes. D'abord, "il faut un plan" et s'y tenir, a-t-il expliqué. Ce plan doit évidemment prévoir une réduction de l'endettement mais il ne doit pas oublier la "nécessité de filets de sécurité sociaux" pour atténuer en l'impact et surtout, il faut "renforcer la croissance aussi vite que possible". De ce point de vue, M. Carstens s'est étonné que la Banque mondiale ne soit pas par exemple intervenue rapidement en Grèce pour proposer son aide.