L'arrivée en janvier de Free sur le marché des communications mobiles a changé la donne pour les trois grands opérateurs français, qui comptent déjà les clients perdus, et mesurent l'ampleur du phénomène provoqué par l'irruption du champion du "low cost".
Le numéro deux SFR, filiale de Vivendi, a été le dernier à révéler jeudi ses chiffres: "208.000 abonnés de la téléphonie mobile perdus entre le 1er janvier et le 29 février, sur un total de 21 millions".
Mais le président du directoire de Vivendi, Jean-Bernard Lévy, n'a pas précisé la part des désertions au profit du nouvel entrant.
Au total, les trois grands opérateurs ont reconnu la perte de plus de 400.000 abonnés sans sans que l'on puisse évaluer combien au profit de Free - qui ne communique "aucun chiffre pour l'instant".
Orange, la marque de l'opérateur France Télécom, a été le premier à déplorer le sacrifice de 201.000 abonnés au 15 février, dont 40% ont rejoint le nouvel entrant. Entre le 31 décembre 2011 et le 15 février 2012, Bouygues Telecom a pour sa part constaté 525.000 résiliations d'abonnés, dont 134.000 ont demandé la portabilité de leur numéro vers Free.
La filiale d'Iliad s'est engagé à couvrir 27% de la population avec son propre réseau, et s'appuie sur un contrat d'itinérance avec Orange pour les trois quarts restants. Mais plus de 90% des appels effectués par les clients de Free passeraient en réalité par le réseau Orange, selon les médias.
Free Mobile, s'est lancé sur le marché le 10 janvier en poussant ses concurrents à une surenchère d'offres à prix réduits, inédite en Europe, selon M. Lévy.
Le PDG de Vivendi s'est donc employé à dénoncer "l'opacité" du contrat d'itinérance conclu entre Free et Orange, en s'étonnant du "soutien public" dont a bénéficié l'arrivée tonitruante de Free.
Et de prévenir que SFR était "en train d'examiner les aspects juridiques" de ce dossier.
Le régulateur des télécoms (Arcep) vient en effet de trancher en faveur de la société de Xavier Niel en estimant qu'elle respectait bien ses obligations de couverture.
Mais "l'Arcep n'est pas le juge en dernier ressort", a rétorqué à son tour M. Lévy, alors que la rentabilité de Vivendi va faire les frais en 2012 et 2013 de la guerre des prix sur le marché français des télécoms.
A l'image de Bouygues, M. Lévy reconnaît que cette nouvelle donne incite à regarder désormais "comment le marché évolue". Il en a tiré les premiers enseignements, en annonçant un "redéploiement du dispositif".
"Dans les semaines et les mois qui viennent", Vivendi devra "adapter son organisation à ce changement profond dans la structure du marché", a-t-il dit, sans toutefois parler explicitement de licenciements.
Martin Bouygues, lui aussi confronté à une chute des ventes, reste attentif à "toute distorsion de concurrence". Et de relever au passage que l'offre du "coucou d'Orange" n'est "en aucun cas le reflet de ses coûts de production".
Chez Bouygues, on se borne au "wait and see"... "pour le moment".
Mais s'il y devait y avoir une quelconque distorsion de concurrence liée à une disparité dans les obligations d'investissements, il faudrait "probablement engager des discussions qui échapperaient au simple cadre de l'Arcep", a déjà prévenu Martin Bouygues.
Même France Télécom, qui peut espérer récupérer une partie de ses pertes avec les péages payés par Free pour utiliser son réseau, vient de voir la perspective d'évolution de sa note abaissée par l'agence de notation Fitch Ratings, préoccupée par "l'intensité de la concurrence" du nouvel entrant.