PARIS (Reuters) - L'association Foodwatch a porté plainte mercredi contre X dans le dossier Lactalis pour une liste d'infractions susceptibles d'impliquer aussi les distributeurs et l'Etat, qu'elle accuse de défaillances dans la crise sanitaire due à la contamination à la salmonelle de produits laitiers pour nourrissons.
Douze infractions possibles sont répertoriées dans cette plainte, déposée au nom de l'ONG et de sept familles, a dit à Reuters la porte-parole de Foodwatch, Ingrid Kragl, selon qui d'autres familles pourraient encore s'y joindre.
"L'objectif n'est pas d'obtenir une réparation pour les victimes mais de pointer les défaillances du système à quatre niveaux : Lactalis, la grande distribution, le laboratoire (qui a effectué les analyses) et les autorités", a-t-elle expliqué.
Foodwatch souhaite ainsi que la lumière soit faite sur les différents niveaux de responsabilité, a-t-elle ajouté.
Dans un communiqué distinct, l'Association des familles de victimes (AFVLCS) fait savoir qu'elle déposerait jeudi, par le biais de son avocate, 30 plaintes individuelles à l'encontre du fabricant et de plusieurs distributeurs. D'autres parents ont fait des démarches similaires auprès du parquet de Paris.
L'association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir, habilitée, contrairement à Foodwatch, à déclencher une action de groupe, avait déjà porté plainte fin décembre pour tromperie auprès du parquet de Paris contre "Lactalis Nutrition Santé et toute autre personne susceptible d'être mise en cause".
Foodwatch dénonce notamment dans un communiqué "la mise sur le marché d'un produit préjudiciable à la santé et l'inexécution d'une procédure de retrait ou de rappel d'un produit", ainsi que l'absence de communication d'analyses conduisant à suspecter la présence d'un danger sanitaire et une "tromperie aggravée".
"Le premier responsable dans cette affaire est évidemment Lactalis" mais, ajoute l'association, des "dysfonctionnements" peuvent aussi être imputés aux distributeurs, au laboratoire, et "bien sûr" aux autorités publiques.
Selon Foodwatch, tous ont "manqué à leurs obligations en matière de prévention des risques sanitaires mais aussi dans la gestion particulièrement défaillante de cette crise".
LA GRANDE DISTRIBUTION CHARGE LACTALIS
Le PDG de Lactalis, Emmanuel Besnier, a présenté ses excuses dans une lettre ouverte publiée le 2 février.
Mais si la crise affecte le premier groupe laitier français, elle éclabousse aussi les géants de la distribution, comme Leclerc, Carrefour (PA:CARR), Auchan, Système U et Casino, qui ont admis avoir écoulé des produits à risque malgré les procédures de rappel successives.
De hauts responsables de ces grandes enseignes, entendus mercredi par les commissions des Affaires économiques et sociales du Sénat, ont admis des "erreurs humaines" mais ont surtout chargé Lactalis.
"Chez Carrefour, la défaillance (...) provient d'une mauvaise gestion des produits retournés en magasin par nos clients", a ainsi déclaré Stéphane Dufort, directeur qualité de ce groupe. "Malheureusement, un certain nombre de produits ont été remis par mégarde dans le circuit de distribution."
Mais il a surtout dénoncé de la part de Lactalis "une information morcelée" et "peu transparente".
"Et puis sachez que nous avons été livrés également de produits Lactalis après les mesures de rappel", a-t-il ajouté.
"Notre procédure est robuste, mais force est de constater qu'elle a été déstabilisée par une communication erratique de notre fournisseur", a renchéri Claude Risac, directeur des relations extérieures du groupe Casino.
Pour Foodwatch, il n'est pas question de laisser la grande distribution "s'en tirer comme ça", avec ce type de mea culpa, a dit à Reuters Ingrid Kragl.
"Il faut que cette plainte aille jusqu'au bout et que des sanctions soient appliquées", a-t-elle ajouté, tout en déplorant que les sanctions prévues pour ce type d'infraction ne soient "pas assez dissuasives".
Selon l'Institut Pasteur, plus de 200 bébés ont été contaminés à la Salmonella Agona depuis 2005, dont 38 entre la mi-août et décembre 2017, 25 entre 2006 et 2017 et 141 en 2005, avant le rachat par Lactalis du site de Craon (Mayenne), d'où est partie la crise.
Plus de 80 pays sont concernés par le rappel des produits Lactalis incriminés.
(Simon Carraud et Emmanuel Jarry, avec Sybille de La Hamaide et Dominique Vidalon, édité par Yves Clarisse)