L'Ukraine a prévenu mardi qu'une coupure du gaz russe, susceptible de perturber les approvisionnements en Europe, la menaçait toujours malgré le délai accordé par Moscou à Kiev pour régler sa lourde dette gazière.
"Une coupure du gaz russe reste toujours d'actualité", a averti le Premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, devant le Parlement. "La Russie va faire la guerre à l'Ukraine par tous les moyens, y compris avec l'arme gazière", a-t-il ajouté.
Face à l'accumulation des dettes gazières d'une Ukraine exsangue financièrement (plus de trois milliards de dollars), Gazprom a décidé de passer à un système de prépaiement et réclame règlement des impayés ainsi que des livraisons prévues en juin. Kiev conteste de son côté le prix qui lui est appliqué depuis le 1er avril, à la suite de l'arrivée au pouvoir de pro-occidentaux, fixé à un niveau sans équivalent en Europe.
Alors que Moscou menaçait de suspendre ses exportations dès ce mardi faute de versement et que les deux pays campaient sur leurs positions lors de multiples séances de négociations, Kiev a finalement effectué pendant le week-end un premier versement de 786 millions de dollars.
Cette somme correspond à sa dette datant d'avant le 1er avril, quand elle bénéficiait d'un prix très faible accordé par la Russie au président Viktor Ianoukovitch.
Après ce geste, Gazprom a accordé lundi à l'Ukraine un répit d'une semaine en repoussant jusqu'au 9 juin la date de son ultimatum, mais les négociations restent difficiles. Une nouvelle rencontre lundi à Bruxelles entre ministres russe et ukrainien s'est terminée sans accord.
- 'vache à lait' -
Mardi, les négociations se sont poursuivies à Berlin entre les PDG de Gazprom, Alexeï Miller, et de Naftogaz, Andriï Kobolev, a indiqué M. Iatseniouk.
"Nous espérons terminer les négociations avec Gazprom au cours de cette semaine", a avancé le Premier ministre ukrainien, qui a réaffirmé que l'Ukraine ne paierait "jamais" un prix proche de 500 dollars pour 1.000 m3 réclamé par Moscou.
"Ce n'est pas un prix de marché, c'est un prix politique", a-t-il dit. "Si la Russie considère l'Ukraine comme une vache à lait, elle se trompe", a-t-il martelé.
Pour Alex Brideau, expert du centre d'analyse Eurasia, un "accord est fort probable" en raison de la "conjonction des motivations politiques de la Russie et de la pression de l'UE sur l'Ukraine".
"La question en suspens est celle de savoir si un accord est possible avant le 9 juin", a-t-il ajouté, estimant que le prix pourrait être fixé autour de 350 à 370 dollars pour 1.000 m3, soit ce que payent de nombreux pays européens.
- longue procédure -
L'UE, après s'être activée pour aider l'Ukraine à se passer du gaz russe, s'est engagée dans les négociations. Et si elle insiste sur une baisse du prix, elle semble mettre la pression sur Kiev, remis à flot par une aide internationale des occidentaux, pour que les dettes soient remboursées.
Les pays européens achètent plus du quart de leur gaz en Russie, dont près de la moitié transite par le territoire ukrainien. Certains pays d'Europe centrale sont dépendants à près de 100% de ces approvisionnements.
Malgré les efforts de diversification accélérée par Bruxelles avec la crise ukrainienne, Gazprom ne cesse de se poser en fournisseur indispensable face à la baisse de la production en Europe et la hausse de la consommation.
"Personne ne peut nous évincer" du marché européen, a répété Alexandre Medvedev, numéro deux de Gazprom, lors d'une conférence de presse à Moscou.
"Gazprom et Naftogaz vont peut-être se mettre d'accord sur un compromis temporaire, sur un prix provisoire et une prolongation des négociations, mais cela ne résout pas tous les problèmes", explique à l'AFP Volodymyr Saprykine, expert ukrainien indépendant.
"La Russie, au maximum, peut reculer le prix", estime-t-il alors que l'Ukraine veut aussi modifier certaines clauses qu'elle juge abusives, qui lui imposent par exemple un volume minimum d'importation.
Faute d'accord, Kiev a prévenu préparer une procédure devant une cour d'arbitrage international à Stockholm pour contester le prix mais aussi la perte de la Crimée, où l'Ukraine comptait développer l'extraction de gaz offshore.
"La procédure va durer plusieurs mois, voire plusieurs années, mais nous ne voyons pas d'autre voie", a assuré M. Iatseniouk.