PARIS (Reuters) - La sidération provoquée en France par le meurtre d'un couple de policiers tués lundi devant leur enfant de trois ans accroît la pression pour la mise en place de mesures de sécurité s'éloignant de certains principes démocratiques.
Depuis les attentats de janvier et de novembre, des verrous ont sauté les uns après les autres, de l'assouplissement de la légitime défense pour les policiers aux contrôles d'internet, en passant par la prolongation de l'état d'urgence.
L'attaque par des "casseurs" criant leur haine de la police, mercredi, en marge de la manifestation contre la loi Travail, de l'hôpital pour enfants Necker où est hospitalisé le garçonnet du couple de policiers, a encore alourdi le climat.
Au point que François Hollande a déclaré mercredi en conseil des ministres que les manifestations seraient désormais interdites "si les conditions de la préservation des biens des personnes et des biens publics ne sont pas garanties", selon des propos rapportés par le porte-parole du gouvernement.
La CGT, accusée par le Premier ministre, Manuel Valls, "d'ambiguïté" avec les fauteurs de troubles a vivement réagi à cette mise en cause.
Décrivant les "conditions atroces" du double meurtre de Magnanville (Yvelines) revendiqué par l'Etat islamique (EI) et où la femme policier a été tuée "devant son propre enfant", le président français a assuré mercredi que son gouvernement trouverait un équilibre.
PAS DE SURENCHÈRE, DIT VALLS
"Nous prenons conscience qu'il nous faut à la fois répondre à l'urgence, toujours l'urgence, protéger nos concitoyens, avec la force nécessaire, sans rien oublier de nos valeurs, en sachant que ce qui est en cause, c'est la liberté, et que nous devons à la fois pourchasser ceux qui veulent atteindre notre liberté, et en même temps le faire avec les idées de la liberté", a-t-il dit à des journalistes.
Manuel Valls a promis mardi devant les députés socialistes de ne pas entrer dans la surenchère. "Nous n'allons pas adopter à chaque fois une nouvelle mesure", a-t-il dit, tout en se déclarant prêt à étudier les propositions de la droite.
Les policiers, qui se sentent désormais comme des cibles potentielles, y compris en dehors de leur travail, ont néanmoins obtenu de pouvoir garder leur arme en dehors de leur service.
Pour Jérôme Fourquet, de l'institut Ifop, la menace terroriste entraîne une demande de répression et d'autorité croissante dont le Front national est le principal bénéficiaire.
"Mais nous sommes déjà 'au taquet' de ce que peut se permettre un régime démocratique", dit-il dans Libération, paru mercredi, alors que les propositions se multiplient.
"Une large majorité des sondés est favorable à l'internement préventif des fichés S ou à la déchéance de nationalité pour les terroristes. Le débat sur la peine de mort ou la 'perpétuité réelle' revient aussi", souligne-t-il.
DÉBAT SUR LES CENTRES DE RÉTENTION
Selon le sondeur, "on assiste à un questionnement de la démocratie libérale".
Une partie de la droite, dont le député Les Républicains (LR) Eric Ciotti, souhaite des centres de rétention pour les personnes surveillées et susceptibles de passer à l'acte.
"Je ne suis pas contre les centres de détention. C'est un outil parmi d'autres et ça ne résoudra pas tout", a dit la députée LR Nathalie Kosciusko-Morizet sur Radio Classique.
"C'est moi-même qui ai lancé l'idée il y a quelques mois de la (...) vraie détention à perpétuité", a-t-elle ajouté.
Mais plusieurs ténors du parti rejettent cette idée, préférant insister sur la nécessité de renforcer les services.
"Il ne faut pas créer de Guantanamo en France et il ne faut pas mettre dans des camps de rétention des milliers de personnes sans aucun discernement, ce n'est pas la solution", a déclaré l'ex-Premier ministre François Fillon sur Europe 1.
"La solution est l'application stricte du code pénal. Il faut maintenir l'état de droit tout en étant plus sévère."
Le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, a lui aussi refusé l'idée de créer des centres de rétention, rappelant sur France Info que la justice ne jugeait pas "les intentions" mais "les faits".
Il a souligné que le Conseil d'Etat avait tranché dès décembre 2015, relevant que la création de tels centres impliquerait une modification de la Constitution.
(Gérard Bon, édité par Yves Clarisse)