Le géant russe des engrais Uralkali a résolument maintenu mardi le cap de son offensive sur le marché de la potasse, malgré l'arrestation de son patron, déterminé à regagner des parts de marché après avoir vu ses profits s'effondrer au premier semestre.
Annoncé fin juillet, son revirement stratégique, qui consiste à pousser sa production et à casser les prix face à la concurrence, est la conséquence de la rupture des ses liens commerciaux avec son partenaire bélarusse Belaruskali. Il a provoqué un effondrement boursier de tout le secteur dans le monde et a conduit à l'arrestation en août de son patron Vladislav Baumgertner à Minsk, où le pouvoir a réagi avec colère à la nouvelle.
Le producteur de potasse, minerai à la base des engrais agricoles, a répété que les accusations d'abus de pouvoir portées contre son directeur général étaient "infondées et politiquement motivées" et a montré sa détermination à appliquer sa nouvelle stratégie.
"Nous poursuivons notre programme d'expansion", a assuré le directeur général par intérim, Viktor Béliakov, cité dans un communiqué, assurant "voir l'avenir à moyen terme avec confiance".
Lors d'une conférence téléphonique, la direction du groupe basé dans l'Oural a annoncé qu'il fonctionnait déjà presque à plein régime, soit 13 millions de tonnes par an alors qu'il avait limité sa production en 2012 à 9,1 millions de tonnes, comme les grands acteurs du marché, afin de soutenir les prix.
Elle a en outre annoncé son intention de l'augmenter encore jusque 15 millions de tonnes par an d'ici à 2020, au prix d'investissements totalisant 2,3 milliards de dollars.
Cette nouvelle stratégie doit lui permettre de remonter la pente après un début d'année difficile.
Uralkali a vu son bénéfice net plonger sur les six premiers mois de l'année de 53% par rapport au premier semestre 2012, à 397 millions de dollars. Son excédent brut d'exploitation a chuté de 40% à 876 millions de dollars, lui permettant néanmoins de dégager une marge confortable de 65%.
Ces résultats sont bien inférieurs aux prévisions des analystes financiers.
Le chiffre d'affaires a diminué de 29% à 1,3 milliard de dollars sur fond de baisse de 7% de sa production de potasse à 4,5 millions de tonnes de potasse, alors que ses ventes ont plongé de 17% à 4,3 millions de tonnes.
Pourtant, sur cette période, la consommation de potasse a progressé de 9% dans le monde à 29,3 millions de tonnes, la demande se reprenant après une période difficile fin 2012 et début 2013. Pour l'année, Uralkali prévoit une demande de 53 à 54 millions de tonnes, contre 51 millions en 2012.
"Uralkali a perdu des parts des marchés comme personne d'autre dans le secteur alors que la période n'était pas mauvaise en termes de demande", a reconnu le directeur des ventes, Oleg Petrov, relevant que la part de marché du groupe était passée de 22% au premier semestre 2012 à 17% sur la même période cette année.
Mais "un certain nombre d'acteurs du marché se sont montrés offensifs en réduisant leurs prix", a-t-il ajouté, relevant que le seul à ne pas avoir profité de la situation était le groupe russe "qui était partenaire de Belaruskali".
Le groupe a donc décidé de pousser ses mines à plein régime, profitant de coûts de production les plus faibles du secteur qui lui permettent de résister à la chute des prix prévue en conséquence de sa nouvelle stratégie.
Uralkali a reconnu que malgré la progression actuelle de la demande, il pâtirait "à court terme" d'un certain attentisme des acheteurs qui attendent de voir comment va évoluer le marché en réaction au bouleversement annoncé.
Il a également prévenu qu'il risquait de souffrir de la crise économique que traverse actuellement l'Inde, l'un de principaux marchés.
"Uralkali a lancé une guerre des prix (...) et il est difficile de dire combien de temps cela va durer", ont estimé les analyses de Citi, qui ne prévoient "pas de rebond des prix avant 2015".