Le canadien BlackBerry amorce un nouveau virage stratégique en confiant au spécialiste taïwanais Foxconn la fabrication de ses futurs smartphones, une annonce survenue vendredi, en même temps que celle d'une perte record de 4,4 milliards de dollars cet automne.Une perte abyssale, des ventes en chute libre, une tentative avortée pour se vendre, la suppression de 4 postes sur 10: l'année 2013 a été celle de la descente aux enfers pour BlackBerry.Tout début novembre, BlackBerry a échoué à trouver un acheteur et, avec l'appui de quelques financiers, a injecté un milliard de dollars d'argent frais. Parallèlement, le groupe a changé toute l'équipe de direction et le nouveau patron John Chen a donc décidé de changer de stratégie.Après un milliard de dollars au deuxième trimestre de son exercice, le groupe canadien a cette fois essuyé une perte nette de 4,4 milliards de dollars entre septembre et novembre. Il y a encore tout juste un an, BlackBerry se contentait d'un maigre bénéfice de 9 millions sur la même période.Le plongeon des ventes explique largement cette déconfiture et chaque fois qu'un boitier BlackBerry se vend, le groupe perd de l'argent. Son chiffre d'affaires a été de 1,2 milliard de dollars (-56% sur un an) quand ses charges d'exploitation ont été de 2,5 milliards entre septembre et novembre. BlackBerry a vendu 1,9 million de smartphones auprès de ses circuits de distribution, c'est pratiquement la moitié des appareils écoulés au trimestre précédent où le fabricant avait mentionné l'importance des stocks d'invendus. C'est dans ce contexte de dégradation des ventes que BlackBerry laisse au taïwanais Foxconn, déjà sous-traitant d'Apple, le soin de fabriquer ses prochains smartphones et de gérer les stocks au niveau de la distribution.Se recentrer sur les services aux entreprisesPrésenté comme "le plus grand fabricant de produits électroniques et de composants", Foxconn va en partenariat avec BlackBerry sur 5 ans, "développer et fabriquer certains nouveaux boitiers BlackBerry et gérer leurs stocks", a expliqué le groupe canadien. Le premier objectif assigné à Foxconn est de fabriquer un smartphone pour l'Indonésie et d'autres marchés émergents en pleine expansion dès le tout début 2014."Le partenariat avec Foxconn devrait aider BlackBerry (...) en abaissant ses coûts" et avec des nouveaux boitiers pour des marchés émergents où le groupe "a toujours une forte présence", a estimé l'analyste en télécommunications Jack Gold. En même temps, cette stratégie sur ces marchés signifie que dans les pays les plus développés --où les marges peuvent être plus importantes--, les clients se désintéressent des smartphones BlackBerry, a-t-il poursuivi.Cette annonce du désengagement de BlackBerry du marché concurrentiel des smartphones a été bien accueillie par les investisseurs. A la Bourse, l'action BlackBerry a bondi de 15,5% à 7,22 dollars.La stratégie du canadien est de se recentrer sur son savoir-faire historique, soit les activités de services aux entreprises, principalement sur la partie serveurs, et donc d'abandonner le marché des particuliers.BlackBerry se concentrera principalement, et uniquement par développement interne, sur les marchés des entreprises et des administrations pour des solutions logicielles, des matériels informatique et du service, a indiqué le groupe en substance. Il va aussi pousser pour élargir l'utilisation de son système de messagerie instantanée."Avec les changements d'organisation et dans l'exploitation des activités annoncés, BlackBerry a fixé une feuille de route claire" permettant de fixer l'objectif d'améliorer la situation financière, a déclaré le PDG John Chen vendredi.Pour l'instant, la nouvelle direction du groupe ne parle pas de dégager des bénéfices et, à court terme, veut simplement poursuivre son programme en "réduisant ses dépenses d'exploitation tout en continuant à mettre en place ses programmes de réduction de coûts précédemment annoncés". "BlackBerry est centré sur la réduction des coûts tout en assurant ses clients qu'ils sont toujours engagés sur la fabrication de boitiers" mais, avec une trésorerie qui se dégrade, d'autres licenciements sont à prévoir, a estimé Mark Sue, analyste de la Banque Royale du Canada. En septembre, BlackBerry avait procédé à 4.500 suppressions de postes, soit 40% de sa force de travail.