(Actualisée avec visioconférence OMS-Chine)
(Reuters) - L'Espagne, la Malaisie et la Corée du Sud ont à leur tour annoncé vendredi leur volonté de rétablir les contrôles sanitaires aux frontières face à la prochaine réouverture de la Chine malgré l'explosion des cas de COVID-19, les autorités de Pékin dénonçant des mesures "discriminatoires".
Après l'abandon de la politique "zéro COVID-19" début décembre sous la pression d'une contestation populaire croissante en Chine, les restrictions sur les déplacements internationaux vont être levées le 8 janvier, mais la flambée épidémique qui sévit dans le pays inquiète à l'international.
Alors que l'Union européenne a échoué jeudi à adopter une stratégie commune concernant les passagers arrivant de Chine - se retrouvant divisée comme aux premières heures de la pandémie il y a trois ans - l'Espagne a annoncé vendredi qu'elle conditionnerait leur entrée sur son territoire à la présentation d'un test négatif de dépistage du coronavirus SARS-CoV-2 ou d'une preuve de réalisation d'un schéma vaccinal complet.
L'Italie impose déjà depuis cette semaine un dépistage obligatoire pour les voyageurs arrivant de Chine.
Madrid a donc désormais rejoint Rome dans le camp des partisans d'une généralisation de ces contrôles à l'échelle européenne, alors que Paris, Berlin et Lisbonne ont jugé ces nouvelles restrictions superflues et que Vienne a souligné les retombées économiques à attendre d'un retour des touristes chinois en Europe.
Au-delà de l'UE, la Malaisie a annoncé vendredi un contrôle systématique de la température de l'ensemble des voyageurs arrivant sur son territoire, quelle que soit leur provenance, assorti de tests de dépistage SARS-CoV-2 en cas de fièvre ou d'autres symptômes évocateurs.
PÉKIN DÉNONCE DES MESURES "DISCRIMINATOIRES"
La Corée du Sud a également annoncé vendredi qu'elle imposerait, à partir de la semaine prochaine, des tests de dépistage obligatoires avant l'embarquement ainsi qu'à l'arrivée sur son territoire, pour les voyageurs arrivant de Chine.
Des mesures comparables ont déjà été annoncées aux Etats-Unis, Inde, au Japon et à Taïwan.
Le tabloïd officiel chinois Global Times a dénoncé dans un article publié jeudi soir des restrictions "infondées et discriminatoires".
"La véritable intention est de saboter les efforts de contrôle du COVID-19 menés pendant trois ans et d'attaquer le système du pays", peut-on lire dans cette publication en langue anglaise, qui suit la ligne éditoriale des médias officiels du Parti communiste chinois que sont le Quotidien du Peuple et l'agence Chine nouvelle.
Pour le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, ces mesures sont en revanche "compréhensibles" au vu de l'absence d'informations détaillées fournies par les autorités chinoises.
"En l'absence d'informations détaillées venant de Chine, il est compréhensible que des pays à travers le monde prennent les mesures qu'ils jugent nécessaires pour protéger leur population", a-t-il écrit jeudi sur Twitter (NYSE:TWTR).
La Commission nationale de la santé chinoise a annoncé dimanche dernier qu'elle arrêtait la publication des bilans épidémiologiques quotidiens des contaminations et des décès, sans donner d'explication.
La sincérité des données fournies par la Chine depuis le début de l'épidémie faisait déjà l'objet de nombreuses réserves, les autorités de Pékin n'ayant rapporté que 5.247 décès imputés au COVID-19 depuis le début de la pandémie (pour une population totale de 1,4 milliard d'habitants), contre près de 158.000 décès en France ou plus d'un million aux Etats-Unis par exemple.
RENFORCER LE SÉQUENÇAGE GÉNOMIQUE DES VIRUS EN CIRCULATION
Selon les estimations de la société d'analyse de données de santé britannique Airfinity, près de 9.000 personnes mourraient chaque jour du COVID-19 en Chine en ce moment, avec un bilan de près de 100.000 décès depuis le début du mois et la levée des restrictions.
La Commission nationale de la santé chinoise - l'équivalent du ministère de la Santé - a rapporté dans un communiqué que des experts chinois s'étaient entretenus vendredi par visioconférence avec des représentants de l'OMS sur la situation épidémique. D'autres échanges sont prévus, précise-t-elle.
Cette combinaison d'une flambée épidémique et d'une absence de données fiables en Chine, associée à la perspective de la réouverture prochaine des frontières du pays, fait notamment craindre l'apparition de nouveaux variants.
Dans une lettre aux ministres de la Santé des Vingt-Sept datée de jeudi dont Reuters a pu consulter une copie, la commissaire européenne à la Santé Stella Kyriakides a préconisé une amplification des opérations de séquençage du génome viral dans les prélèvements positifs ainsi qu'une surveillance renforcée des eaux usées, afin de permettre une détection précoce d'un éventuel nouveau variant.
Mais à l'inverse de cette recommandation européenne, la France va réduire drastiquement les capacités du réseau chargé de séquencer le génome des virus retrouvés dans les échantillons positifs, qui permet d'identifier les nouvelles mutations, voire de repérer l'apparition d'un nouveau variant.
Pour de nombreux experts, de telles approches seraient préférable à un renforcement des contrôles aux frontières, qui ne constituent pas une parade particulièrement efficace.
L'épidémiologiste américain Michael Osterholm, de l'université du Minnesota, a ainsi fait écho aux réserves exprimées jeudi par des spécialistes français.
"La fermeture des frontières ou les tests aux frontières ne font vraiment que très peu de différence et vont juste ralentir de quelques jours" le résultat, a-t-il expliqué.
"Mais ces mesures semblent essentielles d'un point de vue politique. Il me semble que chaque gouvernement a l'impression qu'il sera accusé de ne pas avoir fait le nécessaire pour protéger sa population s'il ne prend pas de telles mesures."
(Bureaux de Reuters, version française Myriam Rivet, édité par Sophie Louet)