La taxe envisagée sur les résidences secondaires des non-résidents en France suscite de nombreuses questions, notamment sur sa légalité vis-à-vis du droit européen, et inquiète les promoteurs qui craignent qu'elle ne décourage les étrangers qui investissent et créent des emplois.
Cette nouvelle taxe, contenue dans le projet de loi de finances rectificative adopté mercredi par le Conseil des ministres, est destinée à compenser en petite partie (176 millions d'euros en 2012) le manque à gagner de 1,857 milliard d'euros pour les caisses de l'Etat attendu en 2012 du nouveau barème de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
Elle devrait s'appliquer à 360.000 résidences secondaires, sur un total de 3,2 millions, dont les propriétaires sont des étrangers ou des Français qui n'ont pas leur résidence principale dans l'Hexagone, indique-t-on au ministère du Logement.
Pour justifier cette taxe, Bercy souligne "qu'être propriétaire d'une ou plusieurs résidences secondaires induit, directement ou indirectement, le bénéfice de services publics locaux et nationaux (police et gendarmerie, justice, infrastructures nationales)".
Or, selon le ministère des Finances, "ces personnes ne contribuent pas par le biais d'impositions directes perçues au profit de l'Etat au financement des services publics nationaux".
"Mais il va falloir voir si l'Union européenne accepte cette nouvelle réglementation qui pourrait être en contradiction avec la liberté d'établissement et de circulation des capitaux", déclare à l'AFP Danièle Siboni, avocat au cabinet Simon et associés.
La taxe, calculée au taux de 20%, s'appliquerait sur la valeur locative du bien immobilier, ce qui correspond à l’équivalent du montant de la taxe foncière qui est déjà acquittée par les non-résidents, indique Marion Chapel-Massot, responsable de la gestion privée chez Equance, cabinet de conseils spécialisé dans l'expatriation.
Mme Chapel-Massot se demande si "les exonérations diplomatiques dont bénéficient les étrangers appartenant à des familles régnantes", propriétaires de luxueuses résidences à Paris ou sur la Côte d'Azur, s'appliqueront également à cette nouvelle taxe.
Parmi le million et demi de Français vivant hors de l'Hexagone, les retraités qui s'expatrient dans un pays bénéficiant de plus de soleil, mais qui y conservent un pied-à-terre seront parmi les catégories les plus touchées par cette taxe.
"L’héliotropisme marocain conjugué à une fiscalité sur les pensions attrayantes, qui séduit tant de retraités français, va visiblement devoir être relativisé", souligne Mme Chapot-Massot.
Cette nouvelle taxe inquiète Marc Pigeon, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), qui craint que les Italiens, sur la Côte d'Azur, ou les Espagnols, sur la Côte Basque, investissent moins dans des résidences neuves de tourisme, ce qui aurait des répercussions sur l'emploi dans le secteur du bâtiment.
Pour les étrangers très aisés, comme les Russes, les Chinois ou les familles des pays du Golfe, "ce n'est pas payer 15.000 à 20.000 euros par an de plus qui va changer quelque chose", affirme Thibault de Saint Vincent, président de l'agence Barnes, spécialisée dans l'immobilier de luxe.
Mais la taxe pourrait être dissuasive pour certains des Néerlandais ou des Britanniques qui viennent passer l'été dans leurs résidences secondaires du Lubéron ou de la Dordogne.
"Cette nouvelle taxe risque de ralentir l'ardeur des étrangers alors que la France est pourtant de plus en plus une terre d'accueil pour le monde entier", regrette Emmanuel Garcin du groupe d'agences immobilières Emile Garcin.