Les producteurs de fruits et légumes vont devoir rembourser à la demande de Bruxelles plusieurs centaines de millions d'euros d'aides versées par l'Etat français entre 1992 et 2002, une exigence à laquelle la profession, en difficulté, a d'ores et déjà opposé une fin de non-recevoir.
"Il est certain que nous devrons engager une procédure de remboursement auprès des producteurs", a annoncé le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, dans un entretien au Parisien.
Bruxelles estime que le gouvernement français devrait récupérer quelque 500 millions d'euros. Mais M. Le Maire mise au final sur un montant inférieur car il conteste une partie de ce décompte.
Le prédécesseur de M. Le Maire, Michel Barnier, avait d'ailleurs déposé un recours en ce sens devant la Cour de justice européenne.
Malgré les assurances de M. Le Maire d'"étaler les choses dans le temps" et d'"examiner les dossiers de remboursement au cas par cas", cette annonce tombe au plus mauvais moment pour une filière aux prises avec de graves difficultés.
Les producteurs ont multiplié ces derniers jours les actions pour dénoncer leur "situation de détresse" en raison de la baisse des prix des fruits et légumes.
Le ministre a expliqué que le gouvernement avait jusqu'au 29 juillet pour apporter une réponse à la Commission européenne, "faute de quoi l'Etat aurait dû payer" de lourdes pénalités financières.
"S'il y a une urgence, c'est bien d'aider les producteurs qui traversent une nouvelle crise catastrophique", s'est insurgé Jean-Michel Lemétayer, président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), principal syndicat agricole français.
"Personne ne remboursera ces subventions. Nous n'en avons pas les moyens, sauf à saigner et faire disparaître les deux tiers de la filière", a renchéri François Lafitte, président de la Fédération des comités économiques (Fédécom) qui représente les organisations professionnelles de producteurs ayant touché ces aides.
Comme le gouvernement, la Fédécom conteste le montant réclamé par Bruxelles et a déposé en juin un recours devant la cour de justice.
M. Lafitte reproche aussi à l'Etat de s'être mis dans une "situation illégale" en ayant omis de notifier ces aides à la Commission, une "omission" qui "se retourne contre l'Etat, mais aussi contre les producteurs qui ne sont pas responsables".
Selon lui, Bruxelles "était tout à fait au courant du mécanisme français" et a laissé faire "pour ne pas mettre le feu aux campagnes", alors que la filière se réduit comme peau de chagrin depuis plusieurs dizaines d'années.
"Nous ne resterons pas les bras croisés", a promis M. Lafitte qui a été averti le 16 juillet lors d'une réunion au ministère de l'Agriculture du prochain lancement des procédures de remboursement.
Se pose aussi la question des modalités du recouvrement, de nombreux producteurs ayant abandonné leur activité ou étant décédés.
Le ministre a préféré se donner du temps, promettant qu'il n'y aurait "pas de recouvrement effectif avant plusieurs mois".
L'enquête de Bruxelles porte sur la période 1992-2002. Les aides octroyées pendant cette décennie et qui ont été reconduites par les gouvernements français successifs devaient soutenir les producteurs face à la concurrence de pays comme l'Espagne.
"Depuis des années, nous essayons de repousser les choses (...) maintenant il faut construire une autre relation avec la Commision", a assuré M. Le Maire qui va bientôt se lancer dans les difficiles négociations de la prochaine politique agricole commune (PAC).