par Robin Emmott et Gabriela Baczynska
BRUXELLES (Reuters) - La Commission européenne va proposer de modifier la procédure d'adhésion de nouveaux pays à l'Union européenne pour rendre le processus plus politique, l'objectif étant d'amadouer la France qui a bloqué en octobre la poursuite de l'élargissement vers six pays des Balkans.
Emmanuel Macron a refusé en octobre l'ouverture de négociations d'adhésion avec l'Albanie et la Macédoine du Nord, gelant ainsi un processus censé s'ouvrir ensuite à la Serbie, au Kosovo, au Monténégro et à la Bosnie. Le président français a réclamé que l'UE se réforme avant de poursuivre un élargissement jugé "trop bureaucratique".
Emmanuel Macron s'est alors fait le porte-voix de ceux qui, dans l'UE, jugent que le dernier élargissement en 2007 à la Roumanie et à la Bulgarie a été trop précipité et qu'une certaine prudence est nécessaire avec des pays vulnérables au crime et à la corruption.
Pour l'ancien président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et d'autres Etats membres comme l'Italie, la France a commis une "erreur historique" en prenant le risque d'inciter les pays des Balkans à se détourner de l'UE au profit de la Chine et de la Russie
La Commission espère désormais convaincre la France, qui se dit favorable au principe de l'élargissement aux Balkans à long terme, de lever ses objections avant un sommet UE-Balkans en mai à Zagreb.
Paris a soumis en novembre une proposition de réforme qui donnerait davantage de poids aux chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres dans l'élargissement de l'UE.
LA POSSIBILITÉ DE REPRENDRE À ZÉRO LES NÉGOCIATIONS
Pour répondre à cette demande, la Commission devrait proposer mercredi des changements qui laisseront aux Etats membres la possibilité d'interrompre une procédure d'adhésion voire de contraindre un pays candidat à reprendre à zéro les négociations sur certains chapitres politiques en cas de manquements constatés de sa part. Des sommets supplémentaires seraient organisés dans la région des Balkans pour permettre aux responsables politiques de peser davantage dans le processus.
"Macron veut être considéré comme le faiseur de roi et on peut arranger ça parce que la crédibilité de l'UE est en jeu", a dit un responsable européen impliqué dans ce projet de réforme. "C'est politique et c'est personnel donc n'en faisons pas un drame."
Les propositions de la Commission ne répondent cependant pas à toutes les demandes françaises, notamment celle qui consisterait à dégager des fonds pour les nouveaux adhérents à partir des montants consacrés dans le budget de l'UE aux pays les plus pauvres. Des responsables européens craignent qu'une telle initiative n'incite ces Etats membres à s'opposer à tout élargissement.
Cette réforme de la procédure d'adhésion doit être approuvée à l'unanimité des Vingt-Sept et il n'est pas certain que la France l'acceptera en l'état, dit un diplomate européen. "Avec Macron, nous avons 60% de chances de succès", déclare ce dernier.
A Paris, des responsables français ont dit à Reuters ne pas avoir encore vu les propositions de la Commission mais avoir discuté avec le commissaire à l'Elargissement, Oliver Varhelyi.
D'autres pays, comme les Pays-Bas et le Danemark, ont aussi refusé en octobre de poursuivre l'élargissement mais les responsables européens considèrent que l'essentiel est de convaincre Emmanuel Macron.
"Sans Macron, ni les Néerlandais ni les Danois ne bloqueraient ça à eux seuls. Certainement pas pour la Macédoine du Nord, peut-être pas même pour l'Albanie", a dit un haut diplomate européen.
(Avec Michel Rose à Paris; version française Bertrand Boucey)