Le Groenland est devenu un nouvel Eldorado avec ses gisements de terres rares vitales pour les technologies de pointe, mais les Chinois sont en train de prendre les Européens de vitesse, avertit le commissaire européen en charge de l'Industrie Antonio Tajani.
Province du Danemark, le Groenland bénéficie depuis 2009 d'une autonomie renforcée et d'un droit de contrôle sur ses ressources. Or son sous-sol renferme neuf des 14 terres rares identifiées comme vitales pour les nouvelles technologies.
Les entreprises de l'UE sont obligées d'importer 100% de leurs besoins pour 14 de ces éléments minéraux: Antimoine, Beryllium, Boron, Cobalt, Indium, Molybdenum, Niobium, Platinium, Rhenium, Tantalum, Tellurium, Titanium, Vanadium et un groupe de métaux comprenant le scandium 21Sc, l'yttrium 39Y et les quinze lanthanides.
La Commission européenne suit de près le dossier des terres rares, métaux stratégiques pour la production de produits aussi variés que les ampoules LED, les systèmes de motorisation hybride des voitures, les téléphones portables ou les éoliennes.
M. Tajani s'est rendu au Groenland le 16 juin pour parapher un accord d'exploitation pour les entreprises de l'UE.
"Le président chinois (Hu Jintao) est arrivé le lendemain", a souligné M. Tajani dans un entretien à l'AFP. "Et les Chinois sont déjà en train de travailler", a-t-il commenté: "ils ont acheté une compagnie britannique et ont envoyé 2.000 mineurs chinois".
Les Européens en restent au stade des discussions. "Les accords paraphés en juin seront examinés par les gouvernements de l'UE en septembre", selon le commissaire. Les Européens s'engagent à "payer au Groenland 35% de ce qu'ils gagnent" avec leurs concessions, et l'exploitation est prévue seulement sur le littoral.
Les habitants sont "très soucieux de la protection de leur environnement et, pour cette raison, sont très intéressés par les pratiques de l'Union européenne", expliquent les collaborateurs du commissaire. Mais dans le même temps, le Groenland "souffre de la crise" et a "besoin d'argent".
"Nous sommes en guerre avec les Chinois pour les terres rares", reconnaît l'entourage de M. Tajani.
Ce différend sera évoqué avec les autorités chinoises lors du 15e sommet UE-Chine le 20 septembre à Bruxelles.
La Chine est aujourd'hui en situation de quasi-monopole avec plus d'un tiers (35%) des réserves accessibles, et 97% du marché de terres rares comme le cérium ou le lithium. "A la Bourse des matières premières de Londres, ce sont eux qui font les prix", souligne-t-on dans l'entourage de M. Tajani.
Avec les Etats-Unis et le Japon, l'UE a attaqué devant l'OMC la politique chinoise qui limite l'accès à ses ressources avec une politique de quotas.
En parallèle, l'UE cherche à diversifier ses approvisionnements. Elle a signé des accords avec l'Union africaine, le Chili, l'Argentine et l'Uruguay, et doit faire de même prochainement avec le Mexique et la Colombie.
Mais l'UE a également des atouts à faire valoir, plaide M. Tajani. "La recherche doit permettre de trouver des substituts" à ces terres rares, et une coopération très active est menée en ce sens avec les Etats-Unis et le Japon.
Le recyclage est une autre piste. "Chaque année, chaque citoyen de l'UE jette 17 kg de déchets d'appareils électriques et électroniques. Une vrai mine urbaine", souligne son entourage.
L'UE peut enfin exploiter ses propres ressources. La valeur des gisements est estimée à 100 milliards d'euros. La France recèle de l'antimoine, du beryllium et du tungstène. L'Espagne et le Portugal ont également de gros gisements.
"Nous devons sortir de l'impasse dans laquelle nous place notre dépendance", insiste Antonio Tajani, qui attend des décisions lors du prochain conseil des ministres européens de l'Industrie début octobre.