Airbus Group a amorcé son désengagement partiel de Dassault Aviation, sous l'oeil bienveillant de l'Etat français qui préserve ses intérêts stratégiques grâce à une convention de 20 ans avec le constructeur du Rafale, l'un des vecteurs de la composante nucléaire française.
L'opération, d'un montant de 794 millions d'euros, permet au groupe d'aéronautique et de défense européen de monétiser une participation jugée non stratégique et à l'avionneur français, qui a toujours privilégié un actionnariat stable, de se renforcer à son propre capital.
"L'Etat a permis cette opération de cession de gré à gré d'un bloc de 8% du capital de Dassault Aviation, sur les 46,32% détenus par Airbus Group, à Dassault Aviation en renonçant à exercer son droit de première offre", a indiqué le gouvernement dans un communiqué.
En contrepartie, il a conclu avec le Groupe Industriel Marcel Dassault (GIMD, la holding familiale de Dassault Aviation, ndlr) "une convention d'une durée minimale de 20 ans".
Elle lui permet "d'assurer la défense de ses intérêts essentiels en cas d'évolution du contrôle de cette entreprise stratégique, du fait notamment de sa contribution à la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire".
Dassault Aviation précise ainsi que l'objet de ce pacte "est de conférer à l'Etat un droit de préemption sur tout transfert de titres Dassault Aviation par GIMD lui faisant franchir à la baisse le seuil de 40% du capital de Dassault Aviation ainsi que sur tout transfert de titres ultérieur en deçà de ce seuil".
En clair, l'Etat se pose en "gardien du temple" de Dassault Aviation, afin de préserver les intérêts stratégiques du pays, sans rien débourser. Il se réserve toutefois le droit de racheter toutes parts cédées au-delà de ce seuil, afin de préserver l'intégrité du groupe Dassault Aviation.
Ce seuil des 40% s'explique par la logique du droit de vote double, qui permet de conserver la majorité des droits de vote au sein du groupe.
Avant cette transaction, Dassault détenait 50,55% du capital et Airbus Group 46,33%. L'Etat français est lié à un pacte d'actionnaires établi avec Airbus Group, qui lui accordait ce droit de première offre.
De leur côté, Airbus Group et Dassault Aviation trouvent leur compte dans l'opération, le premier en monétisant sa participation dans l'avionneur, jugée non stratégique. Il avait annoncé dès l'été dernier son intention de céder une partie de cette participation, qui ne lui donne aucun pouvoir décisionnel sur l'avionneur français.
Le directeur de la stratégie du groupe aéronautique et de défense européen, Marwan Lahoud, avait réitéré ce message début octobre.
Au final, la transaction s'était faite de gré à gré hors marché, sur la base de 980 euros l'action (qui a clôturé à 1.079 euros vendredi soir à la Bourse de Paris), soit un montant total de 794 millions d'euros.
- d'autres cessions de titres -
Pour autant, Airbus Group se donne la possibilité d'aller plus loin et indique être prêt à céder encore 10% du capital de Dassault Aviation d'ici le 30 juin 2015, si les conditions de marché le permettent.
Cette seconde opération permettrait d'accroitre la liquidité du titre Dassault Aviation, dont seuls 3% est flottant, ce qui limite fortement la possibilité pour des tiers d'acheter ces titres.
Pour Airbus Group, elle offre la perspective de céder des parts dans des conditions plus avantageuses.
Pour l'avionneur français, cette opération est l'occasion de se renforcer à son propre capital, qui est dans l'ADN du groupe.
Les 8% des titres rachetés, ainsi que 1% des actions acquises précédemment devraient être annulés.
Mais Dassault Aviation se réserve également le droit d'aller plus loin, et s'est engagé à acquérir au moins la moitié des actions qu'Airbus Groupe souhaite céder d'ici l'été prochain.
Au passage, l'annulation des actions déjà rachetées par l'avionneur fera mécaniquement remonter Airbus Group de 38,32% à 42,11% du capital. L'annulation d'actions qu'il viendrait à acquérir plus tard lui permettra de renforcer la part d'Airbus en pourcentage d'actions détenues et à Dassault de renforcer encore son propre contrôle.
Pour Airbus Group, cela impliquera toutefois de demander une dérogation au dépôt obligatoire d'un projet d'offre publique auprès de l'AMF.