Mesure aussi emblématique que controversée du quinquennat de Nicolas Sarkozy, le bouclier fiscal est loin d'être enterré même si François Fillon a jugé que sa suppression avant 2012, dans une "réforme d'ensemble" qui frapperait aussi l'impôt sur la fortune, n'était plus "taboue".
A quelques semaines d'un remaniement annoncé, le Premier ministre a jeté un pavé dans la mare de l'Elysée, dimanche soir sur M6. "Rien n'est tabou", a-t-il assuré, invité de Capital, émission phare de la chaîne.
En juillet encore, Nicolas Sarkozy excluait de renoncer à son enfant chéri, agitant le spectre de l'exil fiscal des contribuables les plus aisés et de la délocalisation des grandes entreprises.
A titre d'exemple, le chef de l'Etat avait évoqué L'Oréal et son actionnaire principale, Liliane Bettencourt, la femme la plus riche de France qui avait obtenu 30 millions d'euros de ristourne en 2008 au titre de cette mesure.
Quelques flèches sont venues se ficher depuis dans le bouclier fiscal du président, dispositif qui plafonne depuis 2007 l'impôt à 50% des revenus.
La semaine dernière, la ministre de l'Economie Christine Lagarde a invoqué un "principe" de "convergence fiscale avec les Allemands", rappelant que le chef de l'Etat lui-même avait demandé un rapport à la Cour des comptes sur ce sujet.
Ce rapport sera bouclé dans le courant du premier semestre 2011 mais une chose est d'ores et déjà certaine : l'Allemagne ne connaît ni bouclier fiscal ni impôt sur la fortune.
Et Nicolas Sarkozy entend agir vite, promettant vendredi de faire "tout, et plus rapidement qu'on ne l'imagine, pour rapprocher (les) fiscalités" des deux premières puissances économiques de la zone euro et limiter ainsi un écart de compétitivité qui pénalise la France.
Un calendrier se dessine mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Le Premier ministre a estimé sur M6 qu'il fallait "garder le bouclier fiscal" qui est "un moyen de corriger des anomalies, des erreurs du système fiscal français" tant "qu'on n'a pas réformé en profondeur notre fiscalité".
"2011 peut être le bon moment pour engager une grande réflexion sur la fiscalité", a-t-il enchaîné. Mais pourra-t-elle aboutir à une réforme d'ampleur avant l'élection présidentielle? François Fillon a prévenu d'emblée qu'il ne fallait pas s'attendre à un "grand soir fiscal" dans des délais aussi courts.
"Il y aurait beaucoup d'audace à le faire dans le budget 2012, à six mois de la présidentielle", a renchéri le ministre du Budget François Baroin, dimanche sur RTL.
"Aujourd'hui", la suppression du bouclier et de l'ISF "n'est absolument pas d'actualité", a insisté lundi le porte-parole de l'UMP Frédéric Lefebvre, brandissant de nouveau l'argument de l'exil fiscal et chiffrant la "perte sèche pour les recettes de l'Etat" à 4 milliards d'euros.
Pour le porte-parole du Parti socialiste, Benoît Hamon, supprimer simultanément le bouclier fiscal et l'ISF, solution prônée par de nombreux parlementaires, y compris dans les rangs de la majorité, reviendrait à faire un "cadeau 4,5 fois plus important" aux "riches".
"Il faudrait juste mettre en regard les recettes de l'ISF - 3,1 milliards d'euros qui rentrent dans les caisses de l'Etat -, et le bouclier fiscal - 670 millions d'euros qui, en quelque sorte, sortent des caisses de l'Etat", a-t-il fait valoir.
En 2009, 18.764 contribuables ont bénéficié du bouclier fiscal, des chiffres en nette hausse par rapport à l'année précédente.