par Philip Blenkinsop et Francesco Guarascio
BRUXELLES (Reuters) - Les ministres de l'Intérieur d'une Union européenne fortement divisée se sont réunis lundi à Bruxelles pour tenter de s'accorder sur la réponse à apporter aux arrivées de migrants et de réfugiés.
Selon le projet de déclaration, les ministres pourraient s'entendre sur le principe d'une relocalisation de 120.000 réfugiés supplémentaires, après 40.000 en mai, comme le propose la Commission européenne.
Mais compte tenu de l'opposition aux quotas nationaux, ils renverraient à leur prochaine réunion, prévue le 8 octobre, la discussion sur leur répartition.
Les ministres français et allemand de l'Intérieur, qui se sont promis de parler d'une seule voix, ont souligné qu'ils réclameraient des engagements fermes sur cette répartition des demandeurs d'asile, ainsi qu'un calendrier.
"C'est possible d'y parvenir (...) mais je ne sais pas si on réussira aujourd'hui", a déclaré le ministre allemand Thomas de Maizière aux journalistes. En rétablissant provisoirement des contrôles à ses frontières, dimanche, l'Allemagne a voulu montrer qu'elle n'acceptait pas que les migrants et réfugiés s'installent "de facto" sur son territoire, a-t-il dit.
Le ministre français Bernard Cazeneuve a déclaré que la France avait déjà établi des contrôles supplémentaires le mois dernier à sa frontière avec l'Italie et qu'elle pourrait suivre l'exemple allemand en suspendant les règles de Schengen sur la libre circulation si nécessaire.
La libre circulation à l'intérieur des frontières des 26 pays signataires des accords de Schengen est un des piliers du projet européen mais des contrôles peuvent être réintroduits à condition qu'ils soient temporaires, pendant une durée variant de dix jours à deux ans, dans les cas de figure exceptionnels.
Bernard Cazeneuve a également appelé au renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l'UE et à une augmentation de l'aide à la Turquie et aux autres pays voisins de la Syrie qui accueillent un total de 4 millions de réfugiés.
L'EST REJETTE LES QUOTAS
Les ministres ont commencé leur réunion en entérinant le mécanisme de répartition volontaire de 40.000 demandeurs d'asile venus d'Italie et de Grèce que l'UE s'est engagée à relocaliser en mai dernier.
Mais devant l'afflux de réfugiés enregistré durant l'été, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a proposé mercredi dernier de répartir à travers l'UE de manière contraignante et selon des critères de taille, de population ou de poids économique 120.000 demandeurs d'asile supplémentaires arrivés ces derniers mois en Italie, en Grèce et en Hongrie.
Ce "mécanisme de répartition", soutenu par Berlin et Paris, ne fait pas l'unanimité au sein des Vingt-Huit. Plusieurs pays de l'Est s'y opposent fermement, comme la Slovaquie, la République tchèque et la Hongrie, même si cette dernière serait un des premiers pays à en profiter.
En vertu d'une nouvelle législation, les autorités de Budapest recueillent et examinent désormais les demandes d'asile à la frontière avec la Serbie.
"Le système des quotas n'est pas une solution", a déclaré le ministre slovaque de l'Intérieur, Robert Kalinak, à son arrivée à Bruxelles.
Donald Tusk, président du Conseil européen, a prévenu qu'en cas d'échec de la réunion des ministres de l'Intérieur, il convoquerait un sommet extraordinaire des chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Huit avant la fin du mois.
Certains pays membres s'interrogent cependant sur l'intérêt d'un tel sommet avant le prochain conseil "Justice et Affaires intérieures" le 8 octobre.
LES CONTRÔLES AUX FRONTIÈRES RÉTABLIS
L'un des arguments avancés par la Commission et l'Allemagne pour presser les pays d'Europe centrale d'accepter d'accueillir des réfugiés est le risque que la crise des migrants fasse voler en éclats les accords de Schengen.
L'Allemagne, qui avait décidé le 4 septembre, en coordination avec l'Autriche, d'ouvrir ses frontières aux milliers de migrants bloqués en Hongrie, a rétabli dimanche des contrôles frontaliers pour endiguer le flot de réfugiés qui a saturé ses capacités d'accueil.
Selon la police bavaroise, 13.000 demandeurs d'asile sont arrivés à Munich samedi et 4.500 autres dimanche. Les contrôles aux frontières pourraient rester en vigueur "au moins quelques semaines", a précisé lundi matin le ministre de l'Intérieur du Land de Bavière, Joachim Herrmann.
L'Autriche lui a emboîté le pas. "Si l'Allemagne procède à des contrôles aux frontières, l'Autriche doit renforcer ses contrôles, c'est ce que nous faisons", a déclaré dans la matinée le vice-chancelier Reinhold Mitterlehner.
La Slovaquie a annoncé elle aussi qu'elle rétablissait des contrôles temporaires à ses frontières avec la Hongrie et l'Autriche et les Pays-Bas ont indiqué qu'ils allaient mener des contrôles aléatoires.
(avec Noah Barkin à Berlin, Francois Murphy à Vienne, Marcin Goettig à Varsovie et Gilbert Reilhac en Haute-Saône; Eric Faye et Jean-Stéphane Brosse pour le service français, édité par Henri-Pierre André et Tangi Salaün)