Ils sont parfois une dizaine, rangés l'un à côté de l'autre, à offrir à des prix imbattables toutes sortes de boissons chaudes: les cafés ambulants, souvent installés dans des coffres de voitures, ont pignon sur rue à Kiev. Mais peut-être plus pour très longtemps.
La mairie a décidé de régulariser ces commerces rentables et jusqu'à présent quasiment indépendants.
Maxime Rojine, 34 ans, travaillait dans le secteur depuis un an et demi lorsque sa voiture a été saisie par les forces de l'ordre.
"Il était 16H00. La voiture était garée, lorsqu'une dizaine de personnes sont arrivées. Elles ont encerclé la voiture de tous les côtés et l'ont embarquée", raconte-t-il à l'AFP.
Deux jours avant, les autorités municipales lui avaient demandé d'apporter des documents prouvant qu'il avait le droit d'exercer cette activité dans les rues de la capitale.
"J'avais tous les documents. Mais ils en réclamaient d'autres", dit-il.
Fin août, la mairie a mis en place de nouvelles procédures concernant les cafés ambulants, omniprésents dans les rues de Kiev, dans des petites fourgonnettes, des mini-vans ou même dans des voitures en forme d'escargots. Un café d'un demi-litre n'y dépasse souvent pas les 25 hryvnias (90 cents d'euros).
"Si nous faisons de Kiev une ville européenne, il faut qu'il y ait des règles claires. (...) Les cafés-automobiles et les petits magasins ne peuvent pas s'installer où ils veulent et ne pas participer au budget", explique Vitali Klitschko, le maire de la ville, dans un communiqué.
Désormais, les entrepreneurs doivent acheter aux enchères un emplacement où vendre leur café, alors qu'auparavant ils pouvaient se garer où ils le voulaient.
Deux tours d'enchères ont déjà été organisés et plus de 230 emplacements vendus, selon la mairie.
Lors des dernières enchères, "le lot le plus cher est parti à 361.000 hryvnias (14.000 euros) et le plus faible à 4.388 (173 euros)", a-t-elle ajouté.
La mairie estime que les ventes vont lui rapporter plusieurs millions de hryvnias, alors que "ce commerce a seulement rapporté 500.000 hryvnias (19.700 euros) à la capitale au cours des trois dernières années".
- Manifestation devant la mairie -
"200.000, 300.000 hryvnias, ce sont des chiffres irréels. Il faudrait vendre de l'héroïne ou des armes pour se le permettre", rétorque Vitali Golski, chef de l'association des cafés ambulants, lors d'une manifestation devant la mairie.
Depuis plusieurs jours, des dizaines de cafés mobiles se sont garés devant le bâtiment et n'y bougent plus afin de dénoncer les nouvelles règles. Ils estiment non seulement que les enchères se déroulent de manière frauduleuse mais aussi que la mairie n'a pas les compétences légales pour prendre de telles décisions.
Selon un avocat interrogé par l'AFP, Andriï Domanski, seul le Parlement peut changer la législation en vigueur pour les entrepreneurs individuels.
"Les actions des autorités (de Kiev) ont pour but de détruire les petites et moyennes entreprises", conclut-il.
Jusqu'à présent, pour vendre du café dans sa voiture, il suffisait, notamment, d'avoir un certificat d'entrepreneur, de passer un contrôle sanitaire et d'obtenir un document témoignant du fait que la voiture soit correctement équipée.
- 'Chacun a ses habitués' -
Ce type de commerce est apparu en 2008 en Ukraine, mais c'est seulement au cours des trois dernières années qu'il a véritablement explosé.
Durant le Maïdan, le mouvement de contestation fin 2013-début 2014 qui a abouti à la chute de l'ex-régime prorusse, des centaines de manifestants venaient quotidiennement consommer des boissons chaudes auprès de ces cafés mobiles.
Aujourd'hui, il en existe plus de 1.500 à Kiev, selon Vitali Golski.
Et la gamme des boissons proposées est impressionnante: latte, cappuccino, machiatto, americano, expresso, allié selon les goûts à toute sorte de coulis aromatisés. Les entrepreneurs ne manquent pas de créativité.
"C'est agréable de marcher et de pouvoir acheter un café", résume une cliente, Karina Loguinova.
"Chacun a ses habitués", renchérit Maxime Rojine, qui affirme ainsi que même lorsque 10 voitures sont garées l'une a côté de l'autre tous "gagnent un peu et chacun est content".
Malgré les récents événements, Valentin Rijnikov, 22 ans, a décidé de se lancer à son compte.
"C'est dur de craindre qu'on puisse te prendre tout ce que tu as", déplore-t-il. "Tout tient à un fil".